[review] Intégrale X-Men 1993 (II)

Pour faire suite au précédent article, je poursuis ma relecture des Intégrales X-Men avec la deuxième partie de l’année 1993. On approche de la période où j’avais laissé tomber la série à l’époque.

X : Ouais. Vive Image Comics !

Mais qui est-ce ????? On n’envahit pas ma chronique !

X : Aucun problème. Moi c’est toi mais plus beau sans les rides.

Pardon ????

X : Ben c’est toi mais en 1993

C’est décidé. J’arrête le rhum arrangé.

1993 : Bon, tu la balances ta chronique ?

Un résumé pour la route

X_Men_1993_1Cette nouvelle Intégrale rassemble les épisodes X-Men 17 à 24 et Uncanny X-Men 298 à 300.  Les épisodes d’X-Men sont scénarisés par Fabian Nicieza et Andy Kubert. La série Uncanny X-Men est scénarisée par Scott Lobdell, dessinée par Brandon Peterson puis John Romita Jr.

1993 : Pitié ! C’est tout pourri depuis les départs de Claremont et de Lee.

Pardon mais je n’ai pas encore donné mon avis ! A la suite du crossover X-Tinction Agenda, Cyclope vient de découvrir que Stryfe est son fils et Cable, un clone. Les X-Men sont toujours divisés en deux équipes mais des personnages qui se retrouvent parfois dans les deux séries comme Colossus, le Fauve…

On en dit quoi sur Comics have the Power ?

Pour se repérer, l’article sera chapitré par arc et par série.

1993 : Pff par arc ! Comment il se la joue…

Avant d’ouvrir ce volume, j’avais déjà lu ces épisodes lors de leur sortie française. Les X-men me semblaient encore sonnés par le départ de Claremont puis des Wonder Boys d’Image.

1993 : Marvel c’est fini. L’avenir c’est Image comics : Spawn, WildC.A.T.S, Cyberforce c’est juste incroyable.

Si tu veux mais est-ce que cette relecture 25 ans plus tard a changé mon point de vue ?

1993 : 25 mais t’es vieux !!!!!

Grrr. Cette intégrale est située entre deux crossovers.

1993 : Pff ras-le-bol de ces crossovers tous les six mois.

Et encore ! Ce n’est que le début des abus. Les scénaristes peuvent encore tenir une histoire sur la longueur. Ce volume mélange les deux séries.

1993 : Cela gêne la lecture ?

Non car les épisodes sont organisés par arc. De plus, cela permet de comparer les deux séries.

Au pays de la vodka (sous Boris Eltsine)

Colossus retourne en Russie pour annoncer la mort de son frère.

1993 : Ok le village fait russe mais la ferme ressemble trop à une ferme du Middle West.

Certes mais on trouve des clins d’œil amusants au communisme – un chauffeur ressemble à Lénine. Cet épisode nous replonge dans une période de transition. La Guerre froide est finie et le pays s’ouvre à l’ouest car les X-Men travaillent avec les services secrets russes. La Russie en crise est symbolisée par un village de zombies. Toutes ces idées se diffusent dans un récit d’horreur bien écrit. C’est un récit très sombre où un vampire psychique se nourrit de X-Men névrosés.

Comme dans le Chant du bourreau du tome précédent, on retrouve la perte d’un enfant. Le touchant amour de l’Écorcheur des âmes pour sa fille le pousse à refuser la logique d’État. Les enfants peuvent guérir les adultes. Le texte est juste parfois un peu long. Ce thème est surtout philosophique mais peut-être était-ce aussi une allusion politique sur l’avenir de la Russie.

1993 : Enfin ce n’est pas Claremont. Pourquoi est-il parti ?

Tu n’as pas encore compris que les comics sont aussi une industrie. Claremont était un employé de Marvel qui se sentait moins libre avec Jim Lee. Le scénariste est différent mais il reprend la même structure en mêlant plusieurs fils narratifs.

1993 : structure, fils narratifs ! Pff, on croirait lire un prof.

Ben c’est mon boulot ! Nicieza se débrouille bien mieux que dans mes souvenirs. Il ne part pas de zéro mais complexifie les personnages anciens et donc les sort d’une vision parfois binaire. Colossus comme protecteur de sa famille est toujours passionnant. Il est encore plus déprimé que lors du séjour des X-Men en Australie. Derrière l’armure indestructible, Colossus devient un personnage tourmenté comme dans un roman russe du XIXe siècle. J’ai été très touché que cette montagne de métal tombe. La relation entre Gambit et Malicia est aussi intéressante. Ce sont deux chats qui s’adorent tout en se chamaillant. Cyclope rêve de Psylocke et n’est plus le petit ami parfait de Jean Grey. Cela m’a permis de comprendre que Scott est une personne secrète qui ne peut se révéler qu’avec une télépathe. De plus, j’ai retrouvé des personnages mineurs adorés comme Forge qui est bien négligé aujourd’hui.

Le scénariste poursuit les intrigues anciennes avec Oméga Red et modernise des créations comme la transformation du Club des damnés. Les lords organisent un jeu dangereux entre les Parvenus.

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1993 : Et les dessins ? P…1, c’est nul depuis que Jim Lee est parti. Kubert c’est moche.

En le relisant, je réévalue nettement Kubert et son trait vif et tranchant. J’ai adoré la vitesse et la rage de son dessin laissé inachevé. Les corps dépassent des cases pour renforcer ce dynamisme. Aucun corps n’est statique mais, par les angles en diagonale et souvent vus d’en bas, ils paraissent toujours en mouvements. Les pages ne sont plus des grilles mais elles s’organisent autour de quelques cases sans cadre.

1993 : Ouais et en plus on retrouve des pieds pointus comme chez Rob Liefeld.

Pff. Kubert réalise de nombreuses images marquantes comme l’âme d’une enfant qui sort de la langue de l’Écorcheur des âmes.

Vous voyez double

1993 : L’épisode vingt est un épisode de transition entre deux aventures. J’aime souvent ces moments qui permettent de creuser les personnages.

Hélas, on en trouve de moins en moins aujourd’hui. Nicieza prend acte du vieillissement car Xavier n’enseigne plus rien.

1993 : Nicieza ? Ah j’aime beaucoup ses New Warriors.

On reste dans une tonalité très sombre – Wolverine et Colossus perdent un proche, Cyclope met en danger son couple. Jean Grey et le Fauve semblent déprimés. On est en plein dans le Dark age.

1993 : Ah ? j’avais pas vu ce côté glauque.

L’amour semble conduire à des impasses et crée des tensions dans l’équipe entre Jean Grey et Betsy. On commence à voir que des mutants tombent malades du virus legacy. L’histoire de double de Psylocke est assez banale au début mais elle permet un sympathique retour au Japon. Il y a donc beaucoup de voyages mais les pays visités semblent plus cinématographiques que réels. Une question se pose : un héros peut-il changer ? Est-ce en lien avec héritage trop lourd de Claremont ?

L’épisode vingt-et-un démontre le rôle du dessinateur dans un récit. Avec Brandon Peterson les coups de théâtre semblent appuyés et les dialogues tombent à plat. Ce que j’adore dans la BD c’est que c’est un vrai travail mixte entre texte et image qui fait souvent appel à un vrai duo qui peut enrichir le travail de chacun.

1993 : Et en plus cela se passe à Seattle ! Nicieza évoque même le grunge.

La partie sur les Parvenus est intéressante mais perd de substance à traîner en longueur. Heureusement, Andy Kubert revient dans l’épisode 22. Il arrive à montrer que les deux Betsy ont la même technique de combat par les courbes identiques. Au Japon, on retrouve l’ambiance des polars ou des films de samouraï japonais. Le comics est un vampire qui se nourrit d’autres arts. Il y a quelques facilités scénaristiques – le coup du parchemin et les personnages pensent trop souvent en parlant.

1993 : Pourquoi ne pas mettre des bulles de pensées ou en voix off ?

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L’amour malgré la maladie

On trouve un nouvel épisode sans combat mais des discussions et on révèle qu’une épidémie touche les mutants. Certains personnages prévoient la fin des mutants. La lutte des plus forts pour survivre se retrouve dans plusieurs histoires – les chevaliers d’Apocalypse et entre les parvenus.

1993 : C’est pas la joie !

Mais cela donne une autre image des X-Men – comme la face sombre d’un monde créé par Claremont plus optimiste. De plus, on voit très bien le parallèle entre le virus legacy et l’épidémie de SIDA. Kubert réalise un bon travail sur le corps élastique de Sinistre car il ne copie pas Reed Richard.

1993 : Regarde Kubert dans l’épisode 24 ! Il est bizarre. Rien n’est fini

Ok mais j’ai bien aimé ce choix qui me rappelle Bill Sienkiewicz avec des aplats de couleur plus grands et un encrage discret mis à part un train noir épais sur le bord. De nombreuses images baignent dans une ambiance très romantique du XIXe siècle – scènes romantiques au milieu de ruines, des réflexions sur la mort près d’un lac. De plus, l’histoire est très belle avec Scott et Jean, un couple touchant qui survit à tout. Plusieurs X-Men se demandent comment être amoureux malgré la mort d’un être cher ? Comment être heureux malgré l’apocalypse à venir ?

Ça fait mal

1993 : Ah oui j’ai lu cela dans le Special Strange 91

Mon pauvre tu parles une langue que peu de gens comprennent

1993 : Spécial Strange a disparu ???

Et oui. Tu es d’avant internet

1993 : Inter quoi ???

Ça fait mal aux yeux car Brandon Peterson reste un sous Jim Lee et les coupes de cheveux façon mulet pour Gambit et Bishop rappellent de très mauvais souvenirs.

1993 : Rassure-toi. Même moi je trouve cela moche.

Scott Lobdell intègre un sous-texte politique en présentant les Acolytes, groupe allié de Magnéto comme des suprématistes raciaux par les mots – scan plats – et les actes – la violence contre des enfants. Ces convertis citent les écrits de Magneto comme un passage de la bible.

1993 : Normal avec ces malades de Waco.

C’est vrai. Ce siège de cette secte de chrétiens fanatiques a pu inspirer Lobdell. Globalement, Lobdell est assez bavard avec beaucoup de dialogues sans originalité.

1993 : C’est même pénible à lire et à regarder.

Le scénariste ne semble pas avoir de plan précis et lance des pistes sans terminer. Seules les blagues du Fauve sauvent l’épisode.

Un anniversaire parisien (Uncanny X-Men 300)

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1993 : Ouf Romita Jr arrive !! Depuis son passage sur Daredevil et Iron Man, je suis fan. C’est le premier dessinateur dont j’ai repéré le style. Cette star de Marvel n’a jamais quitté la Maison des idées.

Pas encore…

1993 : Quoi ?

Non laisse tomber. Le plus impressionnant pour moi c’est que son dessin a de la matière comme le dessinateur allemand Andreas. On dirait des couches de sable et sans aucun aplat – le ciel est strié de noir et violet, chaque pierre dans les destructions a les traces des impacts. Tout est encore fait sans ordinateur et cette densité est encore plus impressionnante. Il ne s’embarrasse pas de la réalité – un ciel violet – et cela installe une ambiance. De la même manière, les armes et l’électronique ont des formes délirantes avec une multiplication de rajouts carrées. L’énergie est dense et crépite. Romita Jr c’est pour moi l’exubérance d’une église baroque mais avec formes à la Mondrian.

1993 : Ce gars est et restera un génie !

Oui jusqu’à sa crise dans les années 2000 où il simplifiera à outrance son style. La mise en page est classique et on sent l’influence de Kirby. L’encrage et la couleur ont des rôles importants. Ils créent du lien par la couleur – sur la page de gauche, la foule paysanne est en marron alors qu’à droite on retrouve un camaïeu de marron pour les souvenirs.

Cet épisode anniversaire permet de revenir sur la création des X-Men. Il signe l’héritage de Magnéto qui était en procès dans le numéro 200. Les X-Men se retrouvent en France comme à Paris dans le 200. Un paysan en colère en parle d’ailleurs.

1993 : Mais ici ils vont au mont saint Francis au lieu de saint-Michel. Pff Lobdell est vraiment idiot.

Es-tu sûr que ce n’est pas une erreur volontaire ? Le texte est un peu bavard mais le dessin de Romita Jr. permet à Lobdell d’être plus complexe – on voit une dispute entre Cortez et une autre acolyte pendant qu’une voix off explique ce que fait l’enfant. Malgré les deux séries X-Men, la structure générale est solide grâce aux nombreux liens entre les équipes de Lobdell et Nicieza. On retrouve un fil rouge commun de la relation entre mutants et humains montré ici par les discussions entre le néophyte et Moira MacTaggert.

1993 : C’est un très bon numéro avec une histoire complète.

Tu as raison. Il serait à conseiller pour un néophyte. Lobdell arrive mieux à intégrer Xavier que Nicieza. Même si l’action n’est pas très rapide, on suit très bien les différentes zones de combat. Cortez a créé une Bible sur Magnéto que les acolytes citent comme des fanatiques. On retrouve le refus de croire la religion au pied de la lettre et Moira représente le nécessaire esprit critique. Cette ode réjouissante à la tolérance a certes souvent été lue avec les X-Men et le combat avec un débat sur la tolérance est classique mais tout cela est bien fait.

Alors, convaincus ?

Alors cette intégrale est-elle faite que pour les fans ou pour tous ? J’ai pris un étonnant plaisir en relisant ces épisodes. Andy Kubert est un très bon dessinateur et j’ai redécouvert des éléments que je n’avais pas vu du tout.

1993 : OK. Tu m’as convaincu. Je vais peut-être les relire.

Oui tu le feras forcément en 2018 quelques mois après avoir rencontré Jim Lee

1993 : Pardon ????

Ben oui tu as vu Jim Lee en avril dernier

1993 : ….

Oh oh ? T’as disparu ?

Thomas S.