[Review] Batman Superman World’s Finest (tome 1 et 2)

Certaines amitiés sont néfastes et d’autres sont une bénédiction. Ce sera doublement le cas dans cette chronique. D’une part, le choix de cette chronique vient du conseil d’un ami SN Parod qui a tellement vanté ce titre que je n’ai pu que le prendre. D’autre part, le scénario de Batman Superman World’s Finest raconte les prémisses de l’amitié entre Batman et Superman. Cette article est aussi l’occasion de trouver l’avis de mon neveu.

Un résumé pour la route

Ce titre rassemble les six premiers épisodes de Batman/Superman: World’s Finest sortis aux Etats-Unis chez DC comics entre mars et août 2022 puis en France chez Urban comics le 6 janvier 2023. L’ensemble est écrit par Mark Waid (Kingdom Come, Empire), dessiné par Dan Mora (Once & FutureKlaus) et Travis Moore (The Wolf Among UsLegion of Super-Heroes) pour le dernier chapitre. Les couleurs sont de Tamra Bonvillain.

Poison Ivy vient s’attaquer à Metropolis mais Batman, Robin et Superman la neutralisent très vite jusqu’à ce que Metallo interviennent et injecte de la kryptonite rouge à Superman. Avec l’aide de la Doom Patrol et Supergirl, les héros vont devoir tout mettre en œuvre pour sauver Superman.

On en dit quoi sur Comics have the power ?

Soyons clair dès le début. Batman Superman : World’s Finest est un feu d’artifice dans tous les domaines. Du point de vue du scénario, le scénariste Mark Waid multiplie les lieux, les personnages et les scènes d’action. La série va donc très vite en partie grâce au découpage de Mora. Ses dessins splendides contribuent grandement au succès de la série. Il apporte une modernité en poussant plus loin les habitudes des récits de super-héros. Il montre la violence des combats dans le centre-ville. Métallo, mi-homme mi-machine, puis des créatures infernales sont repoussantes (j’ai pensé à des pages de Once & Future). Il est volontairement moins précis pour raconter une légende d’une épée chinoise. On peut voir que ce récit est oral et ancien par ce changement de style. Dans le dernier épisode, Travis Moore a un style plus classique qui est courant dans la franco-belge avec plus de rondeur que Mora. Sur l’ensemble du volume, les couleurs vives de Tamra Bonvillain sont magnifiques et parfaites pour cette série optimiste.

Batman Superman : World’s Finest marque le retour de Waid chez DC après son passage chez Marvel. Ce n’est pas un hasard qu’il commence par cette série. Ancienne et ouverte sur différents personnages, elle est un lieu parfait pour ce connaisseur de la continuité de DC adorant jouer avec. Selon l’introduction, il est très inspiré par le passage de Jim Shooter sur la série. Ce texte passionnant reprend l’histoire des séries associant Superman et Batman et de la relation variable entre les deux héros. Waid multiplie les personnages des univers des deux héros. Le scénariste les fait même affronter les magiciens des autres héros comme Flash ou Wonder Woman. La couverture du premier épisode illustre ce foisonnement. Certains me sont parfois inconnus : des soldats de la dimension Qward maîtrisant la foudre. Certaines références m’échappent : pourquoi Supergirl et Robin sont en froid ? J’ai adoré ces interventions qui, à chaque fois, me donnent envie d’en lire plus sur cette maison d’édition. 

Waid confronte les codes de l’Âge d’argent à la dureté du monde actuel. On assiste en effet à une forte influence de cette période. On est au début de la carrière et à la naissance de l’amitié entre Batman et Superman. Mark Waid reprend aussi les codes de la série. On retrouve le sens du merveilleux. On lâche complètement la logique pour plonger dans les péripéties. Les dialogues sont aussi drôles. Robin fait en particulier de nombreuses blagues par des références à ses ennemis ou à la pop culture actuelle. C’est un enfant qui prend plaisir à vivre des aventures sans se douter des possibles conséquences. Dick Grayson étant encore Robin, ces épisodes questionnent le rôle de Batman et de Superman dans son éducation. Dans le dernier épisode, Dick est moins blagueur et plus enquêteur comme dans New Teen Titans. Je me suis même demandé si ce n’était pas aussi personnel pour Waid ? Il voulait dans ces pages rendre hommage au rôle de ces personnages dans sa propre éducation. Il en parlait d’ailleurs dans l’interview

Waid reprend ici le thème de la mémoire : le général Immortus a perdu la mémoire et l’ennemi principal vient du passé. Il fait aussi des références à l’histoire éditoriale. Billy Batson habite à Fawcett, première maison d’édition de la série Captain Marvel (Shazam). Batman regrette le temps où il suffisait d’un objet jaune pour bloquer le pouvoir des Lanterns. La Doom Patrol va sur l’île Corto Maltese, mentionnée par Frank Miller dans Dark Knight Returns et dont le nom est une allusion très claire. Ce retour dans l’imaginaire de l’Âge d’argent est aussi marquant dans les dessins. Bien entendu, Dan Mora a un style moderne mais il s’inspire des designs de l’époque. Batman porte le costume « New Look » – avec l’ovale jaune sur la poitrine – et utilise un batarang grappin. J’ai aussi adoré le lettrage reprenant les formes des titres des séries : Superman, Doom Patrol…

Cependant, Batman Superman : World’s Finest n’est pas une bd conservatrice mais elle se place au XXIe siècle par un scénariste engagé. Superman et Batman n’ont pas d’identité secrète et n’abandonnent jamais leurs costumes même dans le passé. Poison Ivy s’oppose à l’étalement urbain. L’action se déroule en partie en Chine : le diable Nezha a lutté contre les guerriers de la maison Ji, une femme et trois hommes représentant les quatre éléments. Cet ennemi venant du passé, regrette les divisions du monde et la destruction de la nature. Mais son unification signifierait une dictature. Le scénario propose un fil narratif – la faiblesse de Superman – et des thèmes sur l’ensemble des épisodes : la morale d’une légende porte sur la dévotion paternelle, l’inutile sacrifice d’un père pour un fils ingrat et ambitieux. Plus tard, un groupe de soldat médiévaux a aussi fait un sacrifice. Dans le présent, ses alliés et amis sont prêts à tout pour sauver Superman. Pour obtenir une victoire finale, il faut accepter une perte. Malgré tout, Batman Superman : World’s Finest reste une bd très légère.
Chronique du tome deux

J’adore cette série qui, à chaque tome, m’apporte une douce brise de fraîcheur. Comme le dit Robin, dans les comics actuels, « on ne visite que des endroits sinistres ». Les comics ont bien trop souvent joué sur la noirceur, mais cette série est totalement différente. Elle est légère comme une mousse au chocolat et elle est tout aussi plaisant à dévorer. Même si le récit se passe dans le passé et rend hommage à l’âge d’argent, Waid ne copie pas le passé, mais en prolonge l’esprit en ajoutant les progrès des scénarios. Le récit est plus allusif et centré sur l’action. Les personnages réagissent avec les apports du futur : Speedy est plus dur, Robin davantage indépendant… Revenu chez DC, cette série est pour Waid l’occasion de reprendre contact avec l’univers de la maison d’édition. Il introduit donc le plus de personnages possibles. On croise Blue Beetle, Flash et de très nombreux super-vilains que je connais mal. On voit plus longuement un obscur ennemi La clé et le Joker. Je craignais que l’arrivée de l’ennemi juré de Batman pousse le récits sur des rails prévisibles mais Waid le place en duo et même au service d’un autre criminel. Cette situation change en évitant la folie de Gotham. 

On suit dans ce tome deux l’arrivée d’un ado venu d’une autre dimension ayant connu un apocalypse : le Boy Thunder est le seul survivant et se trouve doté de pouvoirs. Pourtant, il n’est que l’un des multiples personnages de cette série où Mark Waid sait admirablement cerner chacun. En voyant un ado sortir du vaisseau, Superman est ému car cet enfant a les mêmes dramatiques origines que lui. Méfiant, Batman reste seul pour enquêter. Robin soutient l’enfant ayant son âge puis s’amuse de nouvelles expériences. Logiquement, Dick emmène l’apprenti super-héros, Boy Thunder, rencontrer ses amis des Teen Titans. La bienveillance illumine le récit car Boy Thunder n’est jamais laissé seul face à sa dépression. Chacun propose de l’aider. Pourtant, il nous inquiète car il cache son véritable passé. Non seulement, le scénariste s’amuse à proposer une variation sur les origines de superman en amplifiant le syndrome du survivant mais il le fait dans la série Superman. Ce dernier doit agir sur son double. Cependant, plus on avance et plus on constate que Boy Thunder est une version déformé du Kryptonien. On retrouve cette déformation des perception par la Clé. Ce super-vilain est un hippie lecteur d’Aldous Huxley ayant choisi le crime pur élever son âme. Même si le récit reste optimiste, un retournement très réussi rattache la série à Kingdom Come. La joie du scénario pourrait aboutir à un final sinistre. La série devient une réflexion sur l’héroïsme. Comment ce statut rend plus fort mais aussi peut pervertir ? Cette différence passe par les règles qu’on se fixe et qui sont admises par la plupart. L’héroïsme se confronte à la loi. En dépassant certaines règles morales, le héros bascule dans le mal, dans la vengeance. Mais le héros doit-il alors condamner le fautif pour éviter une future menace ou lui laissé une chance ?

La fluidité du scénario se retrouve dans le dessin de Dan Mora. Il montre la joie d’agir des héros mais aussi la douleur du deuil. Il illustre très bien les effets des drogues dans des images psychédéliques. Les tenues sont à la fois respectueuses des racines et mise au goût actuels et donc la représentation des femmes est juste. 

L’épisode douze est une très amusante déviation. J’ai ri dès le début. Dans la Batcave, Robin boude en expliquant à Batman l’échec de son date avec Supergirl. Il veut se faire oublier et donc changer d’identité. Pour cela, il dessine le costume futur de Nightwing. De son côté, Kara débriefe aussi son échec. Pour des raisons différentes, chacun a passé un mauvais moment. La dessinatrice Emanuela Lupacchino se fond sans problème dans l’ambiance de la série. Le style tout en rondeur et avec une grande précision des décors est plus classique, mais reste très agréable. 

Alors, convaincus ?

Batman Superman : World’s Finest a été une très agréable lecture. Comme pour la série récente sur Flash, elle est un vent d’optimisme qui m’a emporté en particulier par les magnifiques dessins. On peut en plus lire le volume comme un récit complet mais une case annonce une suite avec un autre Robin. Le deuxième tome prouve la qualité de la série en proposant des pistes plus sombres passionnantes.

L’avis de mon neveu Martin

J’ai trouvé le livre très cool. Le duo entre Batman et Superman fonctionne très bien. J’ai bien aimé le combat entre les guerriers de Ji, Robin et Supergirl. Les dessins sont très beaux. Par contre, j’ai parfois eu un peu de mal à comprendre à cause des flashbacks. Je ne vois pas entre trop le rapport entre le début où le personnage se transforme en être radioactif et la fin.

4 commentaires Ajoutez le vôtre

  1. Alchimie des mots dit :

    Ouah, ce matin même, je me dis « j’ai trop de comics mais ce Superman Batman me tente grave! » 🤣
    Et la paf, je vois cet article, ton retour me fait penser à la série Brave and the bold que j’avais beaucoup aimé!
    Après c’est dommage qu’ils reprennent des éléments d’autres séries comme la relation tendue entre Robin et Supergirl que j’apprends aussi.
    Toujours est-il que je prends rarement un comics pour sa couverture mais là 😍et les dessins 😍😍
    En plus, si le scénario suit et tente d’actualiser les événements; c’était l’essence même de Barave ans the Bold qui alliait Batman aux autres et tentaient de résoudre un fait d’actualité !
    World finest est aussi une reprise de celle parue dans les années 50 que je ne connais pas du tout, du coup, c’est une belle porte d’entrée.
    À une époque, j’aurais voulu faire le complétiste et avoir l’ensemble des récits mais là, ce que tu en rapportes me suffit largement !
    Très bon article, merci!

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    1. thomassavidan dit :

      Je te remercie très chaleureusement pour tes compliments. En effet, dans la ligné du Flash et du Nightwing actuel, c’est une série très agréable, positive et visuellement incroyable.
      Pour la relation entre Supergirl et Nightwing, je ne sais pas bien à quoi cela fait référence : une période des années 60 ? Un évènement récent ? Un développement futur en flashback ?
      En effet, j’ai aussi adoré cette série car c’est une bonne porte d’entrée vers le passé de DC. J’ai hâte de poursuivre dans les Chronicles.

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