[Review] Intégrale X-Factor 1988

Fidèle amoureux des vieux, je continue à suivre les aventures des anciens X-Men dans X-Factor après le tome un et deux. Dans ce nouveau volume, je découvre une grande partie de ces épisodes pour la première fois. Attention c’est ici que l’apocalypse arrive.

Un résumé pour la route

Ce volume contient les épisodes X-Factor 24 à 35 en grande partie écrits par Louise Simonson(New MutantsLa mort de Superman) et dessinés par Walter Simonson (ThorRobocop versus Terminator). Dans l’épisode 32, les dialogues sont de Louise, le scénario de Tom DeFalco(Spider-GirlFantastic Four) et les dessins de Steve Lightle (The FlashThe Legion of Super-Heroes). L’épisode 35 et X-Factor Annual 3 sont dessinés par Terry Shoemaker (Spellbound,Tales of The Legion of Super-Heroes) et Tom Artis. Power Pack 35 est écrit par Louise et dessiné par Jon Bogdanove (Superman, Return of the Jedi). Ces titres sont sortis entre janvier et décembre 1988 aux Etats-Unis chez Marvel et en France chez Semic puis sous cette forme chez Panini en 2021.

Une voisin mutant ? Votre fils développe de nouvelles facultés ? X-Factor est une entreprise qui promet à ses clients de résoudre leur problème. Cela vous paraît odieux ? Non, car ce n’est qu’une façade imaginée par les premiers X-Men (Jean Grey, Cyclope, Le Fauve, Iceberg et Angel) pour protéger leur communauté. En parallèle, Apocalypse agit dans l’ombre depuis le premier tome. Il a recruté ses cavaliers dont Angel traumatisé par la perte de ses ailes. Le génie du mal se sent désormais prêt à agir au grand jour

On en dit quoi sur Comics have the power ?

Ce troisième volume est la suite directe du précédent car, dès le premier épisode, les héros sont téléportés au cœur de la base d’Apocalypse. Contrairement à Chris Claremont, il y a rarement des épisodes de pause pour développer les relations entre les personnages mais ces développements passent par l’action chez Louise Simonson. Les intrigues ne cessent donc pas ce que Jean Grey, surnommé encore Marvel Girl, signale d’ailleurs. Le volume commence par un épisode d’X-Factor et un de Power Pack faisant partis du magnifique crossover The Fall of the Mutants (entamé dans le tome deux). Le crossover développe des histoires différentes selon les séries mais dans une commune tonalité très pessimiste. Dans X-Factor, le glaçant Apocalypse attaque New York et bouleverse la vie de Warren Worthington. Hélas, la fin de The Fall of the Mutants dans X-Factor 26 ressemble à un bouche-trou pour suivre le rythme du crossover. Il ne s’y passe rien… à part un baiser entre Scott et Jean (et plus si on a de l’imagination). Ce tome marque aussi la fin du mensonge (et d’une idée scénaristique sans avenir) : X-Factor avoue aux médias la supercherie sur le rôle d’X-Factor et la fausse double identité X-Terminators. Le volume se conclut par un autre crossover The Evolutionnary War qui courrait sur tous les annuals de Marvel. Séparé des autres épisodes, il est cependant dur à saisir. Le suivant, Inferno, se profile déjà par divers indices dans les derniers épisodes : des objets deviennent démoniaques à New York, le démon N’astirh apparaît puis le dernier épisode lance les différents intrigues autour de Scott Summers.

Ce volume voit Apocalypse se placer au centre formant l’aboutissement inattendu du premier tome. C’est par son évolution que toute la série s’est améliorée. En effet, au départ, Apocalypse n’est qu’un chef de gang mais, par Louise Simonson, il devient un mutant partisan d’une sélection darwiniste de l’humanité qui n’a cessé de manipuler X-Factor. Depuis le début de l’humanité, il favorise la guerre et sélectionne des mutants pour attaquer les autres. Il aurait été adoré comme le dieu du mal dans plusieurs civilisations. Même si son pouvoir de modification corporelle est bien rendu, il est surtout un stratège, un orateur qui manipule et profite des talents d’autres mutants. Ses cavaliers sont des personnes rejetées par la société qui, refusent cette mise à l’écart ou pensent pas être reconnus à leur juste valeur. Comme souvent, on retrouve les débats moraux pendant le combat car Apocalypse veut qu’X-Factor le rejoigne. Pourtant, ses valeurs sont à l’opposé de celles des X-Men qui n’utilisent la violence qu’en dernier ressort et seulement pour protéger. De plus, ils doutent sans arrêt d’être à la hauteur. Xavier s’intéresse aux individus sans s’occuper de la communauté alors qu’Apocalypse prône la supériorité d’un groupe sur les autres. Jean Grey met cependant en évidence les limites de l’éducation de Xavier, qui a formé des soldats plus que des adultes. X-Factor veut donc changer l’image publique des mutants et utilise pour cela les médias. Le groupe est né par les médias et ne cesse de vouloir se mettre en avant. Trish Tillby est l’exemple d’une journaliste d’investigation honnête qui apprend à oublier ses stéréotypes sur les mutants en les fréquentant. A l’inverse, Apocalypse agit en secret pour aggraver l’image des mutants (afin sans doute de mener une guerre génétique). The Evolutionnary War propose une variation entre deux super-vilains de ces combats philosophiques. Proche d’une idée nazie de la pureté raciale, le maître de l’évolution veut éradiquer certains peuples qu’il juge être des erreurs génétiques et ainsi améliorer l’humanité. Étrangement, Apocalypse paraît plus doux en voulant faire progresser tout le monde puis en opérant une sélection des meilleurs. Néanmoins, je ne vois pas l’intérêt du débat et du combat car les deux ont des avis très proches.

Comme la question d’X-Factor est celle de l’avenir, les enfants et l’éducation sont aussi au centre de la série. J’ai adoré retrouver les enfants de Power Pack, une série créée par Louise Simonsonsous l’injonction de Jim Shooter. L’éditeur en chef voulait que les rédacteurs soient aussi des scénaristes. A l’époque, je me reconnaissais totalement dans les enfants : les chamailleries entre les frères et sœurs, la lutte entre eux pour répondre le premier au téléphone fixe, l’enthousiasme devant chaque changement, l’aventure au coin de la rue (mais ici les enfants sont véritablement en danger). Tous ces éléments quotidiens deviennent à la fois drôles et touchants par le talent de Louise Simonson (en s’inspirant sans doute de sa famille). Cette vie intime de la famille est très rare dans les comics. Cependant, ces très jeune enfants sont aussi des super-héros avec leurs propres questionnements : peut-on désobéir si c’est pour sauver des gens ? Aujourd’hui, je suis aussi touché par l’amour des parents et leur hésitation sur l’éducation. La scénariste recrée d’ailleurs cet élément familial dans X-Factor par des orphelins. Comme dans Power Pack, ce sont à trois reprises les plus jeunes qui comprennent le danger. Parmi eux, il y a Skids et Rusty dont je regrette la faible présence actuelle. Le vaisseau géant a paradoxalement les paroles d’un enfant vite effrayé mais les mystères le concernant restent nombreux. Apocalypse ne le contrôle pas et le laisse à X-Factor comme un test d’endurance et un moyen de prouver la haine de l’humanité. La relation aux parents n’est pas toujours simple. Refusant désormais de cacher sa résurrection, Jean Grey retrouve ses parents. Louise Simonson répare ainsi une situation au départ peu crédible mais ce n’est pas encore parfait. Par peur de la haine anti-mutante, elle leur explique qu’elle ne viendra plus. Pourtant, il est plus difficile d’être en couple que de former une famille. Si Cyclope et Jean avouent leur amour, Scott ne peut pleinement s’investir car son fils a disparu. Quand il veut le retrouver, il est sans cesse empêché. Hank débute une idylle avec Trish mais il est devenu Simplet. Candy, compagne de Warren a disparu. D’un point de vue plus drôle, les pupilles empêchent Iceberg d’embrasser une femme et cet épisode est ainsi très réussi par son humour burlesque. D’un point de vue négatif, le maître de l’évolution se voit comme un père pour l’humanité mais organise un génocide. Nanny kidnappe les enfants mutants pour les protéger du Mutant Registration Act (une loi imposant aux mutants de se déclarer) mais son assistant Orphan Maker tue les parents. Nanny dit vouloir protéger les enfants et les éduquer mais elle leur vole le libre arbitre des orphelins car elle ne doute pas et impose ses idées.

Le thème de la monstruosité se retrouve aussi car les opposants (Apocalypse et Infectia) transforment les bons en bêtes. Apocalypse perverti un homme parfait, Warren. Il était le symbole physique du paradis – un bel homme blond avec des ailes – et bascule en enfer par sa peau bleu et ses ailes en métal. Warren est aussi devenu froid, égoïste et aigri. Apocalypse le voit comme la preuve de l’échec de la coexistence de Xavier et la supériorité de son projet. Infectia utilise aussi la monstruosité des hommes qui perdent leur savoir-vivre en voulant coucher avec elle et manipule plus loin la haine (anti-mutante). Elle fait sortir la monstruosité intérieure des hommes (mais pas des femmes). Cependant, le simple humain Hodge m’apparaît comme le pire monstre. Il n’hésite pas à faire appel à des démons. Ses théories, elles aussi proches du darwinisme social, sont glaciales. Ses paroles recourant à la symbolique biblique sont d’ailleurs très bien écrites. Cette transformation ne concerne pas seulement les super-vilains mais aussi le physique et la personnalité d’X-Factor. Caliban veut être un héros mais a le visage d’un démon et son pouvoir dépend de la présence de mutants. Cette situation le frustre et le rend colérique. Le vaisseau géant est perçu comme un danger un monstre technologique mais il cache un esprit doux et protecteur. Il y a l’évolution radicale d’Archangel mais surtout un retour aux origines avec Jean Grey retrouvant la télépathie et le Fauve récupérant sa fourrure bleu. 

Le dessin de Walter Simonson réussit très bien à rendre tous ces thèmes. Son style peut apparaître brouillon en feuilletant le livre mais, en lisant, on voit tout son talent. Il épure les formes et ne garde que l’essentiel de la morphologie, des expressions ou des décors. Un signe de main montre qu’une personne d’X-Factor songe dès la première rencontre à rejoindre Apocalypse. Les cases sont hyper dynamiques. La scène de la chute du vaisseau d’Apocalypse en plein Manhattan est totalement renversante. Sa mise en page facilite l’immersion dans le récit. Walters’amuse à reproduire sur plusieurs pages une structure identiques et réussit la prouesse de raconter trois récits parallèles : Apocalypse pérorant sur son objectif, la lutte entre X-Factor et les cavaliers et le changement d’attitude d’un allié. Cette complexité suppose une grande complicité avec le scénariste. Il est évident que les échanges sont bien plus souples quand on travaille en couple car je pense que tout n’était pas prévu au départ. Plus anecdotique, les nouvelles couleurs de costume sont bien meilleures. Par contre, il semble plus brouillon dans les épisodes 33 et 34. Son remplaçant pour l’épisode 32, Steve Lightle, a un style plus réaliste très agréable mais daté car il manque d’originalité. Je suis moins indulgent avec Terry Shoemaker que je trouve plat et sans âme. La colorisation renforce l’aspect brouillon des cases. Tom Artis fait dix pages de l’annual pour un bouche-trou servant à introduire le nouveau lecteur. Dans Power Pack35, Jon Bogdanove a un style très agréable et parfaitement dans le sens de la série. Il mélange des expressions faciales cartoony avec une précision des décors, des corps réaliste et un cadrage dynamique. Des cases toutes noires laissent les onomatopées colorées illustrer les bousculades entre les enfants Power. Il est moins à l’aise avec les scènes de combat. Je trouve le collage raté entre des immeubles pris sur des photos et le vaisseau dessiné.

Si j’ai passé une agréable lecture, tout n’est pas parfait en 1988. Il manque l’épisode Captain America 234 et donc une partie de la lutte contre Apocalypse. Louise écrit un récit passionnant aux riches thèmes mais les dialogues sont bavards, parfois naïfs ou trop explicites (en raison de son passé de rédactrice ?). La répétition des scènes introductives à chaque épisode est pénible en recueil. Les trames narratives sous-jacentes avancent lentement et, après Fall of the mutants, les épisodes manquent d’enjeux et d’ennemis majeurs. Heureusement, les derniers épisodes multiplient les méchants avec les Justes, Nanny et les démons. Je découvre enfin les liens entre Hodge et les limbes. Certains personnages manquent de profondeur. Iceberg reste un écervelé et un éternel ado. Jean se fâche mais, au final, reste trop simple. Le retournement d’Archangel vers le bien est trop rapide tout comme la guérison du Fauve. D’autres s’en sortent mieux. Cyclope est rongé par la culpabilité si bien qu’il se coupe des autres et devient colérique. Il comprend aussi les paradoxes dans ses souvenirs. Archangel impressionne par sa nouvelle rage guerrière. Grâce à Walter Simonson, sa froide colère est inquiétante.

Alors, convaincus ?

Comme les volumes précédents, l’action au centre mais pas seulement, il y a de nombreux sujets abordés qui tournent souvent autour de l’évolution : l’évolution génétique des mutants, la sélection de l’humanité par Apocalypse et le maître de l’évolution, l’évolution psychologique des personnages et même l’éducation peut être vue comme une orientation de l’évolution de l’enfant. Cependant, je ne trouve pas que l’année 1988 soit le meilleur tome d’X-Factor. En effet, il y a un creux au milieu avec des épisodes dispensables. Cependant, la fin du volume est bien meilleure par la montée des dangers avant Inferno, mon crossover préféré. De plus, des événements marquants se déroulent pendant cette année. 

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