Daybreak promet un récit post-apocalyptique et, en le feuilletant, j’ai été assez attirée par l’esthétique atypique de ce titre en noir et blanc. Au vu du nombre de titres traitant de la question et présentant un univers ravagé où les dangers nombreux sautent sur de rares survivants, on se demande bien ce qu’on peut encore avoir à raconter sur le sujet. Plus que sur le fond, c’est sur la forme que Brian Ralph offre avec Daybreak une proposition singulière.
Un résumé pour la route
Daybreak est scénarisé et illustré par Brian Ralph. En France, le titre sort chez Delcourt en 2020. Il s’agit d’un récit complet.
Le lecteur semble se réveiller et voit devant lui se dresser un jeune homme manchot qui l’invite à le suivre car la nuit va bientôt tomber et il faut trouver un abri afin d’éviter les dangers qui semblent pulluler un peu partout. Le monde n’est que ruines et les seules préoccupations des protagonistes sont de se nourrir et de rester en vie, un sacré programme !
On en dit quoi sur Comics have the Power ?
Dès les premières cases, Daybreak est déroutant : le lecteur est un véritable acteur du récit car les personnages s’adressent directement à lui, en lui demandant de les suivre. On ne voit jamais son personnage et tout est vu depuis les yeux du lecteur, comme dans un jeu vidéo dont on serait le protagoniste principal. D’ailleurs, on semble se réveiller d’un long sommeil : aucun contexte ne nous est présenté, seul un jeune manchot se dresse en face de nous en nous enjoignant de le suivre. Il ne se présente pas mais semble vouloir jouer les protecteurs. Peu à peu, il devient plus familier, passant du vouvoiement au tutoiement tandis que notre personnage, lui, ne prononce pas un mot de toute l’aventure.
Le danger est le plus souvent suggéré, même si l’on comprend assez vite qu’on a affaire à des morts-vivants qui ont juste envie de croquer les quelques individus encore à peu près sains. Encore faut-il le dire vite : le jeune homme manchot nous prend sous son aile mais on ne sait pas très bien ce qu’il veut exactement et les rares humains rencontrés ne sont pas très sympathiques, ils sont soit un peu timbrés soit menaçants, soit les deux. Finalement, l’être le plus rassurant est le chien qu’on croise, qui va et vient à travers tout le récit, comme une valeur sûre sur laquelle on pourrait encore se reposer.
Graphiquement, le style de Brian Ralph est à la fois épuré dans son traitement des personnages dont les expressions sont mesurées, jamais outrées et oppressant dans son décor minimaliste. Le monde dans lequel évolue les protagonistes se résume assez vite à des tas de gravats, plus aucun décor naturel n’apparaît et on gravit des amoncellements de cailloux ou de détritus sans fin, sans rien à quoi se raccrocher sauf une épave de voiture ou un tank. C’est plutôt désespérant et désespéré et la conclusion ne laisse pas beaucoup d’espoir concernant l’avenir des humains survivants mais, après tout, chacun peut tirer la conclusion qu’il souhaite avec cette fin ouverte.
Alors, convaincus ?
L’idée de départ me paraît excellente : inclure le lecteur comme un acteur du récit est assez plaisant, les autres personnages nous parlent et nous prennent à partie et c’est assez déroutant et intéressant comme démarche. J’avoue toutefois qu’en refermant l’ouvrage, on se demande un peu où l’auteur a voulu nous amener. Il s’agit avant tout d’un cheminement intérieur qui renvoie chacun d’entre nous à sa propre solitude, puisqu’on ne peut se raccrocher à aucun décor rassurant ni à aucun être humain. Seul reste un chien qui est sans doute présent pour son aspect d’animal psychopompe, guidant notre âme peu à peu vers le Royaume des Morts. L’exercice est graphiquement et scénaristiquement intéressant mais je ne suis pas tout à fait parvenue à entrer réellement dedans.
Sonia Dollinger