[Review] Superman Lost

Je me sens d’humeur à l’espoir, à l’utopie, à la joie… Bref, j’ai envie de lire du Superman. J’ai alors profité de la maxi-série Superman Lost pour combler ce besoin qui m’a également permis de découvrir un grand scénariste.

Un résumé pour la route

Superman:Lost est écrit par Christopher Priest (Black PantherDeathstroke) et dessiné par Carlo Paguylan (TelosHulk) avec quelques pages de Lee Weeks (HuntressBatman/Catwoman) pour l’épisode sept, Will Conrad (FlashAngel & Faith) pour le huit, Dan Jurgens (ThorSuperman) pour le neuf et José Luís (God is DeadTeen Titans) pour le dix. Ces dix épisodes ont été publiés aux États-Unis par DC Comics entre mai et novembre 2023, puis en France par Urban Comics le 12 avril 2024.

Lois Lane et Clark Kent filent le parfait amour dans un banal quotidien même si Clark en tant que Superman sauve le monde. Jusqu’au jour où, en revenant de mission, il déclare : « Je suis parti vingt ans.»

On en dit quoi sur Comics have the power ?

Christopher Priest, scénariste connu pour son passage sur Black Panther et plus récemment Deathstroke, fait partie des noms régulièrement croisés et souvent salués mais, à titre personnel, Superman Lost est le premier titre que j’ai lu de lui. Le livre débute par le quotidien des Kent. Ils ont des problème financiers et passent des moments tendres… quand ils ont le temps. Ils sont en effet très occupés. Superman sauve une jeune femme d’un accident de voiture pendant que Lois enquête sur la démission d’un sénateur. Lois est persuadé que les deux évènements sont liés. À partir du retour de mission de Superman, on suit deux lignes temporelles. Dans le présent, Superman tente de dépasser son traumatisme. Absent depuis vingt ans, l’homme d’acier a perdu tous ses repères. En position de stress post-traumatique, il dort en position fœtale et retient sa respiration comme s’il était encore dans l’espace. Son mariage est en danger car, si active, Lois supporte difficilement de voir son époux plongé dans ses regrets. Elle est loin d’une épouse effacée mais bouscule son mari et se démène pour le sauver. Convaincu par ses efforts, Clark accepte sa faiblesse en allant voir un psy.

En parallèle, par des flashback, je découvre ce qui s’est passé pour Superman pendant vingt ans. Le scénariste écrit un récit important et dense, mais j’ai au départ du mal à le suivre dans les explications.  J’ai pensé à Grant Morrison par l’arrivée de personnages farfelus comme des spatio-dauphins et les contractatio. Christopher Priest reprend également une technique de la science-fiction en inventant un langage : le chef de la république d’une planète extraterrestre communique avec Clark par un logiciel mais le programme mélange les mots. Proche de la hard science, le scénariste multiplie les références à la physique (le rayonnement d’Hawking), à la philosophie (Kierkegaard), à l’histoire (Edith Galt). Clark visite des planètes aux particularités physiques très différentes : deux lunes, une naine gazeuse… Dans un premier temps, il ne fait que passer mais agit peu. Il est ensuite est confronté à ses limites et à ses échecs sur une terre ravagée par la pollution où l’humanité survit grâce à des filtres nasaux. Un habitant affirme que leurs problèmes sont trop graves pour que Superman puisse agir mais qu’il doit laisser faire le peuple. Clark reçoit une autre leçon d’un héros plus âgé : la terre et son mariage sont fragiles. 

Superman Lost réfléchit donc au rôle de Superman. Scénariste engagé, Christopher Priest aime à intégrer la géopolitique dans ses récits. La ligue de justice évite une guerre entre la Chine et les États-Unis puis, par un voyage dans l’espace, le scénariste présente un monde libertarien où chaque communauté locale s’organise par la démocratie directe. Hélas, je ne l’ai compris qu’au chapitre cinq. Il n’y a pas de camps du bien ou du mal mais des groupes aux intérêts divergents. Les plus faibles, les Zélotes, ne vivent qu’à travers un réseau de communication et croient à des théories sans se fier à la science. En parallèle, l’environnement est en crise car le soleil se meurt. Cependant, les dirigeants refusent toute action collective ou l’aide de Superman. Ils laissent chacun libre de ses actes même s’ils sont contraires à leurs intérêts. Comme dans Arca, les riches dans les profondeurs de la planète (l’État profond ?) ont trouvé une solution de repli. Le scénariste dénonce les républicains soutenant Trump qui refusent d’agir contre le réchauffement climatique. Même si cela ralentit son retour, Superman s’oppose à cet égoïsme en défendant le collectif en particulier les plus faibles. Luthor qualifie Superman d’antimessie car il pourrait agir mais refuse à le faire sans le consentement du peuple. D’ailleurs, il ne pense qu’à revenir au plus vite pour respecter la promesse faite à Lois. Au contraire, dans une vision égoïste de l’amour, un autre personnage est dans une relation exclusive centrée sur ses désirs. J’ai l’impression que le scénariste veut se confronter à Tom King. Il propose une relecture d’un super-héros et on croise d’autres personnages de DC : une Green Lantern, Adam Strange et Supergirl. Cependant, la structure manque de rigueur et je n’ai pour l’instant pas compris le rôle des citations disséminées à chaque épisode. 

Priest retrouve le dessinateur avec qui il a travaillé sur Deathstroke de 2016 à 2019. Carlo Paguylan a un style classique mais il sait avec talent rendre les différents peuples et les espaces planétaires. Les doubles-pages sont magnifiques et iconiques. A partir de l’épisode sept, des futurs alternatifs apparaissent avec des dessinateurs différents. En dehors de laisser plus de temps à Paguylan, je ne vois pas l’intérêt de changer de dessinateur. Lee Weeks pourrait paraître plus frustre mais son dessin a un aspect mat très agréable. Il donne beaucoup de majesté à chaque action. Pourtant, on lui confie un Superman en décadence et il arrive à transmettre le pathétique de la situation sans tomber dans la vulgarité. En revanche, je ne saurais dire quelles pages a réalisé Will Conrad tant son style se fond dans celui de Paguylan. Réalisant une grande partie de l’épisode, Dan Jurgens a un style typique des années 80. 

Alors, convaincus ?

Superman Lost a un style visuel très réussi et un scénario très riche. La mini-série se pose une question politique et mystique : que se passerait-il si le sauveur arrivait dans un monde libertarien ? J’ai néanmoins parfois eu du mal à suivre. La fin digne d’Interstellar de Christopher Nolan peut surprendre. Je pense également à Far Sector qui proposait un univers tout aussi beau et dense intellectuellement mais compliqué à rentrer. 

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