Si les Indiens braillaient quand ils chargeaient sur leurs canassons c’est surtout parce qu’ils n’avaient pas de selle et pas de slibard, faut dire ce qui est : l’homme n’est pas fait pour l’inconfort.
Je pourrais vous parler de mon auguste personne, une fois que j’ai eu la mauvaise idée de faire coexister la célèbre purée de piment de mon pote Riton le pékinois et mon service trois-pièces, me demandez pas comment, c’est compliqué. Et ben je peux vous dire que je me suis senti comme un coureur du tour de France hémorroïdaire un jour de canicule. Le pic de la fournaise, Mururoa mon amour.
Autant vous dire que la civilité ne tient plus . Tu galopes comme un cosaque dans la taïga jusqu’au goguenot et tu pratiques la noyade du grand chauve et de ses deux roulettes dans le premier récipient venue. Tu joues le rinçage sauvage, rien dans le furtif !
Reste après la grande pelade qui fait que ta zone pubienne ressemble à la face visible de la lune version éclipse sacrificielle.
Après sans aborder Popol et ses cantinières, tout autre organe humide et poilu est sensible. Prenez les yeux par exemple : y a des trucs que quand tu les regardes ça te fait les calots tellement sanglants qu’on diagnostiquerait une myxomatose.
Et ben j’ai le remède contre ça ! Mieux que le collyre et la verveine : Hillbilly d’Eric Powell !!
Bon qu’est ce que c’est que ce bousin ?
Bon chez les Yankees un Hillbilly c’est du pécore mais pas de l’échappé de « l’amour est dans les prés » voyez ! C’est que ça tourne pas au kil de pif mais à l’alcool de patate frelaté le bouseux à salopette ! Et ben l’auteur nous en donne une nouvelle version.
Son cul-terreux à lui, nommé Rondel, c’est le croquemitaine des sorcières et autres saloperies surnaturelles qui peuplent son monde. C’est un personnage sombre, aveugle avec le visage marqué de larmes noires, aux allures de vagabond et doté d’un hachoir géant dérobé au diable lui-même qui erre dans ce monde inquiétant. D’ailleurs impossible de placer dans le temps et dans l’espace cet univers dans lequel évolue le héros : ça pourrait être n’importe où et n’importe quand dans notre monde ou ailleurs.
Pour vous donner une idée dans le premier récit, Rondel va sauver la mise à un gamin peu prudent qui a failli se faire boulotter par une vile créature. Ça va être ensuite l’occasion d’une origine story mais vraiment bien placée et tout à fait en adéquation dans sa narration avec l’univers que Powell met en place. Dans cette histoire, on va, en quelques pages, tout comprendre des motivations du Hillbilly et de sa haine concernant notamment les sorcières qui ressemblent à s’y méprendre à ma belle-mère après l’attaque des méduses dans les flots de Plougastel, un cauchemar de dermatologue même si le gars a fait science-peau !
C’est quoi donc qu’on en dit sur Comics have the Power ?
C’est donc tout un univers où des créatures du folklore très obscur des Appalaches prennent vie dans lequel Rondel va vivre ses aventures accompagné de la très caractérielle ourse Lucille. Ensemble, ils affronteront des sorcières qui terrorisent des vallées entières, des esprits malveillants qui volent le sang de leurs victimes, ou encore une étrange créature nommée Tailypo qui porte une attention très particulière à sa queue. Nous sommes donc sur une dynamique finalement très proche des contes des frères Grimm ou de Perrault avant que le cinoche US ne passe dessus la brosse à polir les glands pour aseptiser des fables plutôt horrifiques à la base.
Passons à la partie picturale et alors là on a affaire à du cador. Des traits magnifiques, c’est beau boudiou que c’est beau je me suis senti comme DSK dans un vestiaire de femmes de ménage ! C’est sombre mais pourtant parfaitement clair et l’action est très bien représentée. On sent l’inspiration Mignola mais avec une grosse recherche sur le plan des détails. Ce qui fait que tous les personnages ont un look de dingue et que le héros n’est rien de moins qu’à tomber. Les décors sont soignés mais l’artiste les nimbe d’un « flou artistique » façon crayonné qui cadre pile poil avec l’ambiance. D’ailleurs l’œuvre a une colorisation savamment dosée qui, sans aller jusqu’au noir et blanc, aide, là aussi, à placer un environnement presque Burtonien !
C’est du bon, c’est du très bon et ça m’a fait aimer les péquenauds et c’était pas gagné. Delcourt a publié l’ensemble de la série sortie aux USA et qui se suffit à elle-même en trois tomes qu’il est de bon aloi de posséder tant c’est qualitatif! Sinon vous pouvez toujours décider d’aller vous râper les noyaux sur un canasson façon sioux mais ce ne serait pas malin de passer à côté.
Sonia a fait une chronique plus détaillée du tome 3 que vous pouvez consulter pour avoir un autre avis.
Dragnir