Dans l’univers de la bande dessinée, ce ne sont pas les titres promouvant les animaux anthropomorphisés qui manquent. Et, je dois bien avouer une chose : j’aime ça ! Alors, bien sûr, Captain Ginger met en avant des chats et non des chiens mais je me laisse aussi facilement attendrir par les félidés que par les canidés, donc, c’est parti pour un voyage spatial avec une troupe de boules de poils.
Un résumé pour la route
Captain Ginger est un titre scénarisé par Stuart Moore (déjà croisé sur ce blog à l’occasion de la chronique d’X-Men Origines) tandis que le dessin est l’œuvre de June Brigman, l’encrage de Roy Richardson et la couleur de Veronica Gandini (déjà croisée sur All-New Thor tome 4). Le titre est publié aux Etats-Unis en 2018 chez Ahoy Comics. En France, ce premier volume sort chez Delcourt en 2020. L’ouvrage est doté d’une préface de Walter Simonson, rien que ça !
Tandis que les êtres humains semblent avoir disparu, les chats sont, pour la plupart, désormais de la parole et ont hérité des vaisseaux spatiaux, des armes… et des problèmes des humains. Les chats sont, en effet, en guerre contre les Lumen, des aliens dont ils ne savent pas grand chose, sinon qu’ils ont contribué à l’extinction des Hommes. C’est désormais au Captain Ginger, un chat roux colérique, qu’incombe la charge de protéger les félins présents sur le vaisseau.
On en dit quoi sur Comics have the Power ?
Captain Ginger est un titre qui nous fait rentrer directement dans le vif du sujet : pas de long prologue pour expliquer comment on en est arrivé à la situation actuelle. Le lecteur arrive en pleine bataille entre le vaisseau de Captain Ginger et ses troupes et les Lumen dont on ne sait absolument rien et dont seul l’appareil est visible – on ne verra jamais à quoi cet ennemi ressemble. Le récit est une sorte de huis-clos au sein du vaisseau spatial des chats et il se concentre donc avant tout sur les relations entre les différents membres de l’équipage : peurs, tensions, jalousies, cachoteries, espoirs… des sentiments très courants au fond mais qui sont bien restitués par Stuart Moore. Ce dernier campe à merveille les archétypes : celui des militaires mâles dont les egos s’entrechoquent – le Captain Ginger et le sergent Mitaines – celui du savant concentré sur les causes de la situation présente, les techniciennes qui maintiennent le navire à flot au prix de tous les sacrifices et le gros de la troupe qui suit sans trop se poser de questions.
Pourtant, ce titre nous en fait nous poser des questions, à nous lecteurs ! Pourquoi les nourrisseurs – les Humains – ont-il effectué des expériences rendant les chats capables de piloter des engins de guerre et de parler ? Qui sont ces fameux Lumen qui ont ravagé la galaxie ? Pourquoi Ginger et Mitaines se détestent-il autant ? Que s’est-il passé entre Ginger et sa mère ?
Mais au delà, Stuart Moore pose de vraies interrogations : la surpopulation peut-elle tuer une espèce ? Cette réflexion sur les dangers d’une reproduction hors de contrôle qui épuise les ressources et met en danger tous les individus d’une espèce devrait faire écho à la situation actuelle de l’espèce humaine qui ravage les ressources terrestres tout en se multipliant. L’auteur montre à quelles extrémités ce manque de vision d’avenir peut pousser à l’autodestruction et à certaines décisions parfois jugées extrêmes. Cet aspect du récit m’a réellement intéressée et il est traité avec intelligence et sans aucun jugement.
La hiérarchie entre les chats est également intéressante à observer, non pas tant entre les différentes races présentes sur le vaisseau qu’entre les animaux qui ont été « humanisés » et ceux qui sont restés à l’état de félins classiques. Ces derniers ne peuvent évidemment pas comprendre tous les enjeux et sont avant tout guidés par leur instinct : ils courent partout, dévorent des fils, détériorant ainsi le vaisseau ou défèquent un peu partout. Pourtant, contrairement aux humains, les chats mutants ne souhaitent pas éradiquer leurs semblables mais trouver une solution satisfaisante. J’ai bien aimé les corvées de litières qui rappelleront des souvenirs aux propriétaires de félins. Je ne dirai pas un mot sur le cliffhanger mais j’ai proprement éclaté de rire en voyant la dernière page !
Graphiquement, Captain Ginger est un titre plutôt beau, les chats sont tous très différents et hyper expressifs, les chatons sont à croquer. Les vaisseaux spatiaux sont superbes et m’ont fait penser à la fois à l’univers d’Albator et à celui de Battlestar galactica.
Alors, convaincus ?
Comment résister à ces petites boules de poil, sérieusement ? Blague à part, le récit est intelligemment mené et soulève à la fois des question éthiques de fond et des problématiques liées aux manipulations génétiques. Captain Ginger, comme de nombreux titres de science-fiction, est une métaphore de notre société et, si ce n’est pas forcément très réjouissant, c’est bien amené. En plus de l’histoire principale, on retrouve une histoire bonus bien utile à la compréhension de certaines situations et quelques croquis des principaux personnages et du vaisseau des chats.
Sonia Dollinger