C’est par l’adaptation cinématographique de Ridley Scott de 1982 que j’ai plongé dans l’univers de Blade Runner. Ce n’est que bien plus tard que j’ai lu l’oeuvre originale de Philip K. Dick dont je ne peux que vous conseiller très vigoureusement la lecture qui m’est apparue encore meilleure que son adaptation. La bonne nouvelle, c’est que d’autres se sont saisis du sujet pour offrir leur propre vision sans dénaturer ni l’esthétique, ni l’ambiance générale.
Un résumé pour la route
Blade Runner 2019 est un titre scénarisé par Michael Green et Mike Johnson. Le titre est illustré par Andres Guinaldo avec Marco Lesko à la couleur. Le récit paraît chez Titans Comics aux Etats-Unis et en France chez Delcourt en 2020.
A Los Angeles en 2019, les Blade Runner sont là pour éradiquer les Réplicants. La meilleure dans sa partie, Ash, pourchasse ces êtres artificiels avec ardeur et une belle réussite. Elle a besoin des primes et se livre par ailleurs au trafic d’organes afin de survivre et de pouvoir pallier ses propres soucis. Alors qu’elle mène sa quête habituelle, Ash est sollicitée par Alex Selwyn, dont la famille a fondé la Tyrell Corporation, celle là même qui inventa les Réplicants. La Blade Runner doit retrouver la femme et la fille de l’industriel. Mais à quel prix ?
On en dit quoi sur Comics have the Power ?
Au contraire d’autres univers comme Star Wars, Blade Runner ne possède pas de nombreux spin off. Rares sont ceux qui s’y sont risqués. Les fans seront donc forcément intrigués par ce titre. Avant tout, j’ai apprécié que le personnage principal soit une femme et non un ersatz d’Harrison Ford. Créer une nouvelle héroïne est un pari intéressant. on voit combien les deux scénaristes se sentent à l’aise dans cette ambiance glauque et poisseuse. Ash – dont le nom évoque également Alien et ses androïdes – est un être complexe, dont l’existence est loin d’être un long fleuve tranquille, elle galère financièrement et physiquement puisqu’elle doit vivre avec un handicap que les technologies futuristes n’ont pas réussi à soigner. Les Blade Runner ne roulent pas sur l’or et doivent se trouver des compléments de revenus pas toujours honnêtes. Ainsi, pas de héros manichéen ici, ce qui respecte l’oeuvre de Dick. Ash est malgré tout une femme attachante par sa dureté apparente qui cache, évidemment, quelques fragilités personnelles.
Blade Runner 2019 est un thriller futuriste qui joue avec les codes du genre : Ash est distraite de sa routine par une demande spécifique : celle de retrouver la femme et la fille d’un des hommes les plus riches de la planète. Cette intrigue simpliste s’épaissit au fur et à mesure que le récit avance et dévoile des dessous plus complexes qu’il n’y paraît. Qui croire au delà des apparences trompeuses ? La thématique reste classique mais elle est bien mise en scène, le suspense est présent tout comme les retournements de situation, toutes les recettes d’un bon polar sont réunies. On retrouve également toute la problématique du traitement inhumain réservé aux Réplicants, esclavagisés puis exterminés pour servir les humains qui les considèrent comme de simples machines, une belle occasion de méditer sur la notion d’asservissement et de transhumanisme.
Graphiquement, le travail d’Andres Guinaldo est superbe et respecte l’esprit du film de Scott : une ville de Los Angeles glauque, pluvieuse et sombre où la technologie est reine. Le dessinateur maîtrise à la perfection les architectures, les véhicules futuristes et les éléments technologiques comme les armes ou le fauteuil de Ash. Le récit alterne entre les pages lumineuses – parfois un peu trop – et les planches sombres. Comme dans le film, la pluie est omniprésente et on a vraiment l’impression d’être trempé par moments. Les cases qui mettent en scène des immeubles immenses sont mes préférées et les lumières inquiétantes qui s’en échappent donnent une ambiance froide et angoissante. Andres Guinaldo restitue aussi très bien l’aspect glauque des bas-fonds de la ville.
Alors, convaincus ?
Les adeptes de Philip K. Dick mais surtout ceux du film de Ridley Scott devraient prendre plaisir à la lecture de ce titre qui est proche de l’univers d’origine à la fois par son ambiance visuelle et par la caractérisation des personnages. Ash est une femme attachante et complexe, les Réplicants ne sont pas de simples machines et les humains jouent un jeu trouble dans ce thriller futuriste. On peut tout aussi bien lire ce titre sans rien connaître à l’univers de Blade Runner et apprécier l’enquête pour elle-même. J’attends personnellement la suite avec intérêt.
Sonia Dollinger