On a tous des madeleines de Proust, des trucs qui resurgissent de l’enfance comme un aumônier dans un camp de scouts ! Ce genre d’image qui te reste gravée au point où leur simple évocation te colle des spasmes du scrotum à t’en faire claquer une série de petites perlouzes vicelardes. Pour moi, il y a eu la fois où j’ai pu voir flotter aux vents la culotte de ma tata Josiane et que j’ai pris du même coup conscience de la notion d’éternité. Soyons clair, point d’excitations là-dedans mais plutôt un bouleversement que de savoir qu’il fallait l’équivalent de deux chapiteaux du cirque Pinder pour couvrir l’auguste séant de ma tante. Notez qu’en plus, elle avait pris soin d’épingler sur la corde à linge juste à côté le slilbard de mon tonton Dédé qu’est gaulé comme une crevette grise sous-alimentée et vous comprendrez la démesure.
Mais il y a une autre image de mon enfance qui m’a marqué comme un prélèvement urétral fait à coup de pioche : Charlton Heston devant une statue de la liberté à demi enfouie dans le sable d’une plage et hurlant « ils l’ont fait, les imbéciles. » ! Je crois que je n’ai pas souvent eu une telle boule à la gorge suite à une révélation au cinoche ! Devenant fan ultime par la même occasion, je me suis tapé tout ce qui pouvait s’approcher de cet univers à commencer par le roman de Pierre Boulle. Bon j’ai toujours eu le regret de ne pas voir un film adapté directement par l’auteur, même s’il est vrai j’en ai vu pas mal des films de Boulle. Mais quoi-je ? Qu’ouï-je ? Qu’apprends-je ? Des auteurs de comics ont pris le scénario original de Rod Serling , Monsieur Twillight Zone, et ont décidé de l’adapter puis Vestron de le sortir en VF… Bon bah voilà mon caleçon ressemble à une maison normande avec poutres apparentes.
On en dit quoi sur Comics have the Power ?
Alors qu’est-ce que ça vaut ? Vous savez comme moi que le fan peut être extrêmement exigeant à la limite de la connardise, je me suis donc penché sur l’objet avec toute la circonspection nécessaire. Et bien c’est un joli taquet du gauche que je me suis pris dans le tarin ! Non seulement c’est un traitement tout à fait différent des adaptations cinématographiques que l’on connaît , mais on est vraiment proche du roman initial. Bien évidemment, il a quelques libertés qui sont prises mais l’essentiel, le message ou plutôt les messages, s’y trouvent. Encore une fois, l’humanité se retrouve dans ce miroir déformant mais bien plus proche de nos civilisations que ce que nous proposait Schaffner dans son film. Le reflet qui nous est proposé ici est donc plus familier et peut être du même coup plus inquiétant.
En termes scénaristiques est-il besoin de présenter Rod Serling dont l’incroyable génie s’exprima au travers de sa série connue en France sous le titre de « La Quatrième dimension » ? L’auteur aura su dans ce script abandonné puis adapté en comics nous transmettre toute l’angoisse et le malaise de se placer, nous humains, dans la position de l’animal. De nous faire ressentir toute la charge mentale que peuvent représenter les préjugés et l’impuissance d’être considéré pour bien moins que ce que nous sommes. D’autre part, la différence majeure par rapport aux films est que nous ne retrouvons pas dans une cité plus ou moins primitive mais bien dans une mégapole très à l’image de ce qu’elles sont de nos jours : d’énormes buildings bordant des boulevards sillonnés de voitures mais le tout peuplés de singes et où l’homme n’est le bienvenu que comme une attraction. Cette représentation accroît le sentiment de malaise, l’impression d’un cirque plein de mimétisme déplacé.
La transposition séquentielle , car c’en est presque une, est l’œuvre de Dana Gould à qui l’on doit notamment des épisodes des Simpson ainsi que des collaborations avec de grands shows comme Senfield ou encore le Jimmy Kimmel Live. Cet homme suinte l’amour des simiens et de leur planète et sa passion se ressent clairement dans le respect avec lequel il traite ce récit.
Pour l’illustration nous retrouvons Chad Lewis dont les travaux chez Boom studio sur la licence Kong démontrent son expertise dans la représentation graphique des singes. Son trait est clair et finalement sans fioritures, servant à merveille aussi bien l’action que les scènes plus contemplatives. Peut-être un petit bémol sur la colorisation qui est assurée par trois artistes et ça se sent. Bon rien qui n’entache lourdement le bouquin mais qui peut être déconcertant sur certaines transitions. Vestron nous gratifie d’un écrin souple de bien bonne qualité et d’une quinzaine de pages tout à fait bienvenues de suppléments, commentées par les auteurs.
Cette Planète des singes visions est donc une excellente surprise pour l’amateur que je suis, rendant un récit à la fois familier et pourtant plein de « nouveautés ». De l’émotion, du frisson bien plus que ne peut en susciter une culotte de 12 m².
Vous pouvez également trouver un article sur le crossover Star Trek/ Planet of the Apes sur ce lien.
Dragnir
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