[review] Batman : Créature de la Nuit, meilleur elseworld ET meilleur comics Batman ?

Toujours afin de préparer le dernier Batcast de Batman Legend (superbement mis en images sur YouTube par Alexandre), j’ai enfin lu Batman : Créature de la Nuit, qui n’était pas achevé quand je rédigeais mon Qui est le Chevalier noir ? et que je n’y avais donc pas présenté alors qu’il aurait assurément mérité d’y nourrir quelques analyses. Urban Comics en ayant récemment publié deux éditions, l’une colorisée directement par son dessinateur John Paul Leon (Terminal), l’autre en noir et blanc, j’ai assez logiquement opté pour la première, sans aucun regret. 

Superbement lettré par l’incontournable Todd Klein, scénarisé par Kurt Busiek, cet elseworld est un pendant à ce que ce dernier venait de réaliser sur Superman avec Identité Secrète (publié simultanément en VF), optant cette fois pour un récit horrifique empruntant un peu à Dr. Jekyll et Mr. Hyde et à l’intense Dark Night de Paul Dini – sur la foi dans les super-héros pour surmonter les peurs et douleurs infligées par le monde réel. On recommandera d’ailleurs sur ce sujet le chouette (et très anti-werthamienKilling Monsters: Why Children Need Fantasy, Super Heroes, and Make-Believe Violence de Gerard Jones.

Un résumé pour la route

Bruce Wainwright, fasciné par les comics Batman, projette cette passion dans ses jeux d’enfant… jusqu’à l’assassinat de ses parents. Alors qu’il est envahi par le besoin de vengeance, puis par le désir d’améliorer le monde, voilà que surgit une monstrueuse créature volante qui satisfait ses envies et le protège. Batman existerait-il vraiment ? S’agit-il d’une projection de son esprit perturbé ? D’un ami déguisé ? D’une entité surnaturelle ? 

On en dit quoi sur Comics have the Power ?

Difficile d’en dire plus sur un récit ne ménageant pas ses surprises, et profitant pleinement du fait de ressembler énormément au canon pour satisfaire nos attentes et nous étonner tout à coup. L’on s’installe ainsi régulièrement dans une espèce de routine, en se disant que, décidément, Bruce Wainwright se rapproche trop de Bruce Wayne, par exemple au début du second volume, où il devient subitement un jeune homme d’affaires multi-millionnaire alors qu’on le présentait au contraire comme un états-unien très middle class, justement différent en cela du héros de ses fantasmes. 

Or à chaque fois que cela devient excessif, que l’on s’attriste du peu d’inventivité du scénario, Busiek et Leon nous rappellent pourquoi ils écrivent Créature de la Nuit, et pourquoi il leur a fallu deux années interminables pour peaufiner leur histoire, prenant leur temps dans le monde réel et dans le long comics pour ménager leurs effets et subtilement tout remettre en question.

On aura rarement vu un elseworld ressemblant paradoxalement aussi peu et autant à l’univers qu’il tente d’altérer, parvenant en même temps à être plus réaliste et plus surnaturel que celui de Batman. C’est que, par-delà les multiples références aux/détournements du canon, les auteurs veulent aussi parler de traumatisme infantile, des manières de surmonter le deuil, du secours et des dangers de l’imaginaire pour résoudre des problèmes réels, faire un bon comics pseudo-Batman et bien plus que ce que l’on s’autoriserait ordinairement à attendre d’un comics pseudo-Batman.

Par le comics, ils veulent en effet autant parler du comics que de la vie, parfois solaire et parfois effrayante, où parfois tout arrive comme on le souhaite et où parfois tout semble se liguer contre nous. Les va-et-vient entre le monologue intérieur de Bruce et celui de son vieil oncle « Alfred » sont ainsi un procédé particulièrement saisissant pour raconter leur rencontre manquée, toutes les occasions où ils auraient voulu communiquer et n’y sont pas parvenus. Cette relation très « vraie » donne aussi l’occasion de moments aussi beaux que celui-ci, la couleur de peau ou (ici) l’homosexualité étant traités sans les gros sabots que s’autorisent trop de fictions contemporaines sous prétexte de progressisme.

La fin décevra peut-être un peu, donnant l’impression d’un léger retour en arrière plutôt que d’une progression évidente des personnages, et n’en disant finalement pas grand-chose, là où Identité Secrète saisissait mieux dans sa conclusion comment dire Superman en passant par autre chose que Superman. Mais après 200 pages d’une telle qualité d’écriture et de dessin, c’est faire la fine bouche que de pinailler sur les dernières pages, et de ne pas voir dans cet elseworld l’une des meilleures histoires de notre Batman.

Siegfried « Moyocoyani » Würtz

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