Sonia avait déjà chroniqué le premier tome des aventures solo de ce personnage issu d’Harbinger mais j’avoue que j’étais pour l’instant passé à côté. J’ai profité de la parution de l’intégrale en un tome par Bliss éditions pour me plonger dans les aventures de cette héroïne geek.
Un résumé pour la route
Ce volume rassemble en un livre les quatre tomes de la série. On y trouve la première mini-série puis les douze épisodes de la série Faith publiés entre janvier 2016 et juin 2017 par Valiant entertainment puis dans cette intégrale en septembre 2019 par Bliss éditions. L’ensemble est scénarisé par Jody Houser. Les dessinateurs sont plus nombreux : Francis Portela (Ivar, Rapture), Marguerite Sauvage (Bombshells), Pere Pérez (Malicia et Gambit, Archer & Armstrong), Meghan Hetrick, Colleen Doran, Kate Niemczyk et Joe Eisma.
Fan de comics, l’orpheline Faith Herbert a toujours rêvé d’être une super-héroïne. Dans Harbinger, elle a découvert qu’elle est une psiotique. Elle a des super pouvoirs et elle peut donc réaliser son rêve sous le nom de Zéphyr. Ayant quitté les psiotiques renégats, elle est une journaliste web à Los Angeles qui continue en secret à combattre toutes les injustices.
On en dit quoi sur Comics have the Power ?
Faith est tout d’abord un portrait de femme. Cette héroïne est la plus positive d’Harbinger, une étincelle de lumière au milieu d’un récit assez sombre. Cet idéalisme apparaît dans l’épisode cinq orné d’une couverture avec Hillary Clinton. Cette prise de position m’a semblé en accord avec l’esprit du personnage positif et tolérant même si ce court épisode engagé est raté. Faith est restée une douce candide dans le monde brut des super-héros. Elle vient de larguer son équipe, son copain et cherche la stabilité en restant à L.A. Elle veut un travail régulier pour avoir une vie d’adulte. Faith est très morale. Elle refuse de recevoir l’argent volé par le génie informatique @X. Elle a, de plus, du mal à mentir si bien que la copine de son collègue découvre très vite sa double identité. Faith est une geek. Sa passion des comics vient de l’héritage de ses parents tués dans un accident alors qu’elle est ado. Joss Whedon est son héros. Quand elle voit le chat qui parle, elle pense à sa passion d’enfance pour Sailor Moon. Elle tente de se faire des amis en allant à une soirée jeux de rôles chez un collègue. Mais, Faith est aussi une idéaliste qui fantasme sa vie. Alors qu’elle rêve de lutter contre des mafias, elle fait disparaître un réseau de dognappeurs. Ces rêves sont d’ailleurs dessinés par une dessinatrice différente du reste de l’épisode. Le dessin plus rond de Marguerite Sauvage, la mise en page souvent sans case et l’encrage au crayon renforcent le contraste avec les autres auteurs et créent une ambiance onirique agréable. Ces maladresses la rendent touchante. Elle arrête un cambrioleur mais sans garder de preuves. Elle refuse que son costume soit sexy. Dans la plupart des épisodes, elle manque de confiance en elle – cela peut être lié à son physique même si ce n’est pas dit. Son pouvoir est d’ailleurs lié à son poids lui permettant de dépasser ses complexes : elle peut modifier sa masse pour léviter et alléger les objets. La question de la représentation d’une femme ronde n’est hélas jamais abordée.
De plus, derrière un récit d’action assez simple, Faith a plusieurs degrés de lecture. Les débuts insistent sur les contraintes de la vie quotidienne : devant intervenir la nuit, elle s’endort en réunion. Tout un épisode sur la vie de bureaux montre comment ses collègues font tout pour cacher l’identité secrète de Zéphyr à la nouvelle stagiaire. Ancrée dans le présent, Faith ne cesse d’utiliser son portable pour faire des recherches sur une suspecte. Alors que Faith est souvent perturbée par ses problèmes, son ex Torque qui a obtenu l’émission de télé-réalité dont il rêvait, vit dans une villa, complètement coupé de la réalité.
Il y a aussi de multiples références aux comics – l’avion invisible de Wonder Woman, la reprise du lancer spécial de Colossus et Wolverine Les meilleurs épisodes se déroulent en convention, ils sont conçus comme l’initiation d’Archer à un monde inconnu mais aussi un guide de visite avec les conseils de Faith –. sortir des allées pour téléphoner. Les deux héros sont déguisés – Zéphyr en steampunk et Archer en elfe. Chacun a sa méthode : Archer a fait un plan de conquête pour ne rien rater alors que Faith improvise. Protectrice de sa communauté, elle ne veut pas laisser des voleurs gâcher la convention car ces lieux sont attachés à un souvenir de bonheur enfantin. Faith tient elle-même un discours sur le « métier » de super-héroïne. Elle se moque du vieux Superman qui n’est plus en phase avec le monde moderne. Le journalisme d’investigation de Clark Kent ayant disparu, elle bosse pour un site de rumeurs. Pourtant, comme le héros phare de DC, elle porte des lunettes pour se cacher et une perruque rousse. Sa boss odieuse – comme J.J. Jameson dans Spider-Man – évalue les journalistes par les clics que leurs articles déclenchent. On retrouve souvent les stéréotypes des comics de super-héros mais le scénariste joue avec ces codes. Lorsque la magie crée un double d’elle-même, elles se demandent immédiatement qui est le double maléfique. Le scénario est aussi souvent lié à l’univers geek.
Ces allusions fonctionnent car elle vit dans la ville du cinéma. Faith est aussi une série sur L.A., ville de l’entertainment. Le cinéma est omniprésent. L’héroïne ne cesse d’ailleurs de rêver de Chris Criswell, un acteur d’un film de super-héros et devra combattre une armée de doublures. Criswell se révèle en fait un homme très sombre. Il veut être la Némésis de Zéphyr et veut lancer sa carrière de vilain en la tuant. Chris est l’opposé de Faith sur de nombreux points. Comme elle, il est fan des comics mais surtout pour les super vilains. Rêvant de jouer les méchants, son physique avantageux de héros américain le condamne à jouer aux rôles de défenseur faible, pleurnichard et conservateur. Il va alors utiliser sa fortune pour construire un empire du crime. Dans l’épisode cinq, on suit les difficultés de Zoé, une enfant star à l’âge des réseaux sociaux qui a tout perdu après un piratage de son téléphone. Manipulée par un chat psiotique, cette fille vide car elle a été avalée par le système hollywoodien, prend ici sa revanche en ayant le pouvoir d’absorber les (pouvoirs des) autres. Portant la tenue de nymphette japonisante de son premier rôle, elle prouve qu’elle veut redevenir une enfant. Les derniers épisodes clôturent logiquement la série par la réunion de ses ennemis unis par leur haine contre elle. Ils sont drôles mais manquent d’envergure. On peut cependant regretter le manque d’évolution psychologique de Faith. On tourne toujours autour du même problème. Son manque d’assurance lié à son passé d’orpheline.
Faith est une série carrefour qui croise d’autres univers – Harbinger, le Rising Spirit de Bloodshot, les vignes d’X-O Manowar. Par une relation amicale puis amoureuse, elle est liée à Archer et forme ainsi un bon duo. L’édition reprend la couverture souple de Valiant high qui me semble inspirée des séries young adult d’Archie comics de Glénat.
Francis Portela a un très joli dessin réaliste et réussit les formes rondes de l’héroïne ce qui n’est pas si souvent le cas. Les couleurs varient selon les pages – l’optimiste de Faith des couleurs vives contraste avec l’enfermement de psiotiques montré par des couleurs bleu foncé. Dans la deuxième mini-série, les dessins sont de Pere Pérez, moins fin que Portela. Cependant, il est vraiment très doué dans l’épisode en convention. Il s’amuse de références à des auteurs réels dans l’allée des artistes. N’ayant aucune personnequi lui demande une dédicace, Pérez dort. Ces pages permettent de faire des clins d’œil visuels – Guy Fawkes, Vegeta, une tortue ninja et même un où est Charlie. Hélas, ensuite, les changements de dessinateurs deviennent plus fréquents même si les couleurs vives maintiennent une continuité graphique.
Alors, convaincus ?
Faith m’a offert un très agréable moment de lecture. Cette série vise les geeks mais elle vaut bien plus que cette démarche commerciale. Elle parle de la vie compliquée d’une femme héroïne qui reste toujours positive. Les épisodes sont souvent très drôles en particulier celui qui se déroule en convention ou le chat saoul.
Thomas Savidan
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