X-Men : Dark Phoenix le film : le combat des rédacteurs

Comme ce fut le cas pour Captain Marvel, les trois rédacteurs donnent leur avis après avoir été voir X-Men : Dark Phoenix et le moins qu’on puisse dire, c’est qu’ils ne sont, encore une fois, pas d’accord. Avant de lire notre prose, nous rappelons qu’il ne s’agit que de notre humble avis, que nous vous invitons à exprimer le vôtre et surtout, méfiez-vous, cet article contient des spoils.

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L’avis de Siegfried :

Ce qui est bien, quand on va voir un jeu universellement et absolument haï, c’est qu’on en attend le pire, et qu’on accroît ainsi ses chances d’être agréablement surpris, à condition bien sûr qu’il ne soit pas catastrophique. Or X-Men : Dark Phoenix n’est pas catastrophique, et je crois comprendre que la réaction extrêmement négative suscitée par sa sortie vient avant tout de son incapacité à répondre aux deux attentes, d’abord celle de conclure avec l’ampleur espérée une saga aussi cruciale pour l’histoire du cinéma super-héroïque, ensuite celle d’adapter l’arc le plus célèbre de l’histoire des mutants dans les comics.

De fait, Dark Phoenix n’est pas un film ambitieux ou même généreux, ce que les deux opus précédents étaient bien davantage, au point de ne pas livrer la « Quicksilver scene » qui semblait devenir une marque de fabrique et que le film avait plusieurs fois l’occasion d’intégrer, et de n’offrir aucun caméo surprise, aucun heureux retour, aucun super-clin d’œil. Et je crois que c’est ce qui m’a précisément touché, l’atténuation de l’habituelle menace planétaire et temporelle pour une œuvre beaucoup plus directe, se contentant de raconter une histoire franchement autour de personnages clairement définis. Pas toujours bien définis, pas toujours si bien écrits, mais dont on sait quoi attendre, dont on sait ce dont ils sont capables en termes de morale et de pouvoirs, et servis par quelques interprètes vraiment impliqués (James McAvoy et Nicholas Hoult en tête).

 

Cette humilité dramatique et esthétique pourrait décevoir pour l’histoire du Phénix… si c’est bien ce que l’on racontait ici, mais est-ce vraiment le cas ? Le nom lui-même n’apparaît que dans le titre et dans une allusion maladroite, jamais les personnages possédés par ce pouvoir ou le connaissant ne l’appellent ainsi, et si l’on se souvient que Jean déployait déjà une forme de phénix dans Apocalypse, et manifestait déjà des aptitudes nettement supérieures à la moyenne des mutants, on peut admettre qu’elle était déjà « le Phénix », quoi que l’on mette sous ce terme, et que la tempête cosmique qui l’a investie n’a fait qu’accentuer sa force et dérégler sa sensibilité, faisant du Phénix un Dark Phoenix.

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Je proposerais de cesser de chercher dans ce film l’arc de Claremont et Byrne, et de le voir comme une œuvre y faisant quelques références sans assez les appuyer pour qu’on le voie comme une adaptation. Et [ne lisez pas la fin du paragraphe si vous ne voulez pas être spoilés] souvenons-nous qu’à la toute fin du film Jean ne meurt pas, continuant au contraire de voguer librement vers d’autres horizons. N’obtient-on pas alors une curieuse tentative de raconter le Phénix sans prétendre réécrire X-Men III, se contentant de poursuivre une saga sans la clore, et offrant ainsi quelque chose d’autrement plus doux que le spectacle étincelant qui est déjà le lot des dix films de super-héros chaque année ?

Kinberg comptait initialement sur deux films, et peut-être son projet ressemblait-il alors aux comics auxquels on compare sans cesse le résultat, mais en passant à un seul et sans Jackman, je ne suis pas si surpris qu’il adopte une optique toute autre, presque trop classique pour notre époque habituée aux fanfares. Le recours à une espèce d’extra-terrestres dénuée de tout background sérieux m’en paraît plus excusable, puisqu’ils ne sont pas l’artificiel et superficiel antagoniste du film, seulement la troisième roue permettant de faire tenir le carrosse, d’interagir avec Jean et avec les mutants de façon à complexifier un peu l’intrigue et à radicaliser les positionnements des uns et des autres. Un intermédiaire et un pur prétexte qui en cela fonctionne assez bien, quand un véritable super-vilain, redoutable, bien interprété et bien écrit, aurait pris la place que ne devait occuper que Jean.

Bien sûr X-Men : Dark Phoenix est trop classique, un peu désuet dans sa mélancolie sans décalage ni tragédie galactique, dans ses plans très rapprochés comme si on pouvait faire des films de super-héros intimistes, proposant même moins de scènes frappantes que X-Men III, mais je redoutais tant un final pseudo-opératique (dont je craignais que la Fox soit incapable) qu’un film se concentrant sur les personnages connus pour traiter leurs errements, le rien qui peut tout changer, me paraît une solution satisfaisante, en plus relevée par quelques scènes très correctement composées (l’espace, une partie de celle du train) et une musique d’ambiance discrète qui sait s’imposer de façon convaincante quand il le faut vraiment. Sans dire que je le préfère à Endgame, qui a d’autres avantages et d’autres défauts, Dark Phoenix m’en semble le bon antidote.

L’avis de Thomas :

J’ai un rapport assez particulier avec la franchise des films X-Men. Fan des comics depuis l’adolescence, les films m’ont souvent déçus – mis à part X-Men : le commencement dont je trouvais le contexte historique très bien fait. Malgré cette réticence, j’ai été plutôt emballé par le départ de Dark Phoenix. La mutation dans l’espace de Jean Grey en Phénix réussit à être à la fois belle et inquiétante. La parfaite tactique de sauvetage de l’équipe est très agréable à voir. Le refus du manichéisme – le sujet principal avec Jean Grey/ Dark Phoenix – est un thème assez rare dans les films de super-héros. Dans le même thème, l’élément le plus réussi du film pour moi est la transformation des personnages principaux de la relance – Xavier et Magnéto. Ces personnages n’arrivent jamais à être antagonistes mais ils sont le plus souvent complémentaires. On découvre – enfin diront certains – la face sombre de Xavier alors que Magnéto décide de l’aider – sans que l’on comprenne bien pourquoi il change d’avis. Le personnage principal Jean Grey est au départ plutôt réussi. On découvre que le jour du déclenchement de ses pouvoirs, elle a sans doute participé à l’accident ayant causé la mort de ses parents. Cet élément pose la question du mensonge. Doit-on tout dire ? Le mensonge peut-il sauver un proche ? La question m’a semblé intéressante mais je trouve que la résolution est assez décevante.

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Dans la lignée de l’histoire des mutants, Jean a du mal à contrôler sa nouvelle puissance – comme une femme dans un monde actuel plus égalitaire – et obtient donc une nouvelle place dans l’équipe – la X-Men la plus puissante. Elle perd le contrôle à la fois de ses pouvoirs et de ses repères moraux en découvrant peu à peu son véritable passé. Cependant, le meurtre d’une personne dans le film est moins impressionnant que la disparition d’une planète dans les comics. Je dois cependant confesser une grosse lacune. Je n’ai pour l’instant jamais lu la Saga du Phénix noir. Je remets régulièrement cette lecture à plus tard.

Derrière ce personnage puissant, les autres X-Men apparaissent trop peu. La blessure de Vif-d’Argent fait qu’il n’apparaît presque pas dans le film et c’est très regrettable. Est-ce en lien avec le problème d’avoir deux Vif-d’Argent au cœur de l’univers cinématographique Marvel ? Diablo s’en sort plutôt bien. Le héros apeuré des épisodes précédents s’affirme plus. Il n’est plus naïf mais découvre la colère et s’arme pour aider les siens. De la même manière, les alliés de Magnéto sont inexistants. Pourquoi avoir voulu multiplier les mutants ?

La relation des mutants avec le monde est plutôt bien traitée même si c’est assez naïf. Tant qu’ils sont utiles car ils sauvent des vies, les mutants sont acceptés et même adulés mais dès que certains se révèlent aussi imparfaits que les autres humains, ils sont violemment rejetés et même pourchassés. On retrouve la thématique chère à Claremont mais là où le génial Chris prenait le temps sur plusieurs mois de laisser la haine mutante monter progressivement, cela prend 30 minutes dans un film… D’autres éléments m’ont paru ratés. Cyclope n’a aucune envergure – comme toujours diront certaines collègues du site – et, pour un héros fou d’amour pour Jean, il m’a paru très froid. L’intervention des extraterrestres dans ce récit n’apporte rien au récit et plombe l’histoire. Au lieu d’être un débat moral d’une femme dépassée, le film bascule dans une lutte d’influences et cela pose même une question. Traditionnellement la figure des extraterrestres représente la menace de l’étranger et donc ces extraterrestres dangereux illustrent une xénophobie alors que justement les X-Men sont censés incarner la tolérance. Sans vouloir tout dévoiler, la fin du film est bien trop classique par rapport au sujet de départ.

Je suis sorti de la séance avec le même sentiment que j’avais en voyant le reste de la série. Je ne me suis pas ennuyé mais j’espérais bien plus. C’est un film qui reste léger alors que l’on pouvait s’attendre à un opéra dramatique.

L’avis de Sonia :

Evidemment, j’attendais ce film avec la plus grande impatience tout en sachant bien qu’il ne fallait pas lui demander d’être une transposition de la saga de Chris Claremont et John Byrne. J’étais assez prête à beaucoup d’indulgence et je reconnais bien volontiers la bonne intention du film de se vouloir sombre à l’heure où l’on reproche leur humour aux films du MCU. J’admets bien volontiers le bel effort fait par certains des acteurs pour faire vivre leur personnage avec conviction. Le point fort de ce film est, à mes yeux, le personnage de Charles Xavier incarné par James McAvoy, un rien compassé mais souvent très juste. X-Men : Dark Phoenix démontre très bien l’ambiguïté d’un Charles Xavier parfois manipulateur et calculateur, un homme qui n’est pas insensible aux honneurs et qui a parfois bien du mal à justifier ses attitudes moralement discutables. Je suis également prête à reconnaître à Sophie Turner qu’elle fait ce qu’elle peut avec le rôle qui lui est confié. Si elle ne correspond pas à ma vision de Jean Grey, elle n’est pas totalement à côté de la plaque non plus. Lorsqu’elle déchaîne enfin la force Phoenix contre des extraterrestres qui espéraient la manipuler, elle habite enfin le rôle avec réussite… mais le film touche à sa fin.

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Les incohérences m’ont également un peu gâché la fête : dans Apocalypse, Jean est déjà le Phénix, il aurait donc été logique que ses doutes l’habitent et qu’on assiste à un long glissement vers l’obscurité sans avoir besoin de l’envoyer dans l’espace. La scène de la navette et de la possession de Jean par le Phénix, si elle est plutôt bien réalisée, m’a donc fait l’effet d’un nécessaire fan service en direction des lecteurs du titre originel. De même, les scènes de l’accident démontrent que Jean a déjà une part obscure en elle dès l’enfance au point qu’elle est responsable de la mort de sa mère. Là encore, l’arrivée du Phénix ne semble absolument rien changer au sujet : elle avait déjà du mal à se contrôler avant et c’est le cas après. La seule chose que le Phénix apporte, c’est l’arrivée de D’Baris – les fameux hommes poireaux annihilés par Jean Grey dans la saga de Claremont et Byrne. Alors qu’on reproche au MCU son aspect cosmique, on retrouve ici exactement le même propos : des aliens métamorphes lorgnent sur la Terre – ou la force Phénix ou les deux –  et commencent à l’infiltrer jusqu’à l’inévitable bataille finale. Cela permet des bastons épiques avec l’époustouflante – mais un peu longue – scène du train.

L’épaisseur du personnage de Charles Xavier et la prestation honnête mais frêle de Sophie Turner ne font pas oublier l’inconsistance des autres protagonistes. Magnéto semble complètement perdu dans son île fantôme de Genosha – si, si, c’est bien Genosha comme le précise un entrefilet au générique de fin. Ses sbires sont à peine présentés et Magnéto change d’avis aussi vite qu’il respire (le moment où, dressé avec un regard de tueur, il lâche un « j’ai changé d’avis » m’a paru extrêmement grotesque) . Cyclope est un type d’une froideur qui ferait passer Iceberg pour un radiateur. Quicksilver est évacué du récit dès le début tout comme Raven qui meurt pour permettre de démontrer la noirceur de Jean.

Oui, X-Men : Dark Phoenix est sombre et je n’en attendais pas moins, mais la confrontation entre Jean et Xavier me paraît bien pâle à côté de celle qui se déroule dans la maison des parents de la jeune femme dans le tant décrié X-Men III et qui reste, à mes yeux, une scène d’anthologie quoi qu’on pense du reste du film. Pourtant, je n’ai eu aucune bonne surprise dans ce Dark Phoenix, rien ne me fait frissonner, rien ne me donne envie d’aimer les personnages que je vois. Le film est relativement court et il m’a pourtant paru extrêmement long. On peut y voir de nombreuses références aux comics comme l’apparition de Dazzler, bien que fugace ou l’incident de la navette spatiale en sont des exemples. Par ailleurs, le film a le mérite de montrer la versatilité de la foule envers les mutants puisqu’elle les accueille en héros avant de les conspuer et de les vouer aux gémonies tout aussi rapidement. Pourtant, malgré tous ces bons points, je me suis vraiment fermement ennuyée à cause sans doute des antagonistes choisis, plus pathétiques que réellement effrayants et du manque de profondeur de la plupart des personnages – je n’ai pas dit acteur car je n’ai pas l’impression qu’ils aient, pour la plupart, pu exprimer leur réel potentiel.

Si la Fox a fait des films qui resteront chers à mon cœur, comme les premiers X-Men ou encore Logan, ce ne sera clairement pas le cas de celui que j’aurais voulu le plus aimer. Il me reste donc à me replonger avec délice dans la saga du Dark Phoenix mais… version papier.

 

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