[review] Harbinger Wars : Blackout

J’ai découvert Valiant avec Harbinger et depuis je n’ai cessé de m’intéresser par cet univers restreint mais passionnant. Forcément, quand j’ai vu qu’un crossover sortait le 3 mai sur ce groupe, j’ai couru le chercher.

Un résumé pour la route

Blackout_1Ce volume regroupe un récit complet où Matt Kindt (Eternity, Bloodshot) écrit l’essentiel de ce crossover. J’ai déjà admiré les dessinateurs dans d’autres séries Valiant : Tomás Giorello (X-O Manowar, War Mother), Renato Guedes (X-O Manowar, Bloodshot Salvation). Diego Rodriguez (Bloodshot Salvation, X-O Manowar) est le coloriste de l’ensemble de ces épisodes. Mais le prologue et l’épilogue sont scénarisés par Eric Heisserer (Secret Weapons) avec aux dessins Raúl Allén et Patricia Martín (Secret Weapons, Eternal Warrior) puis Adam Pollina (X-Force). Harbinger Wars 2 a été publié par Valiant entre mai et septembre 2018 et en France chez Bliss Editions.

Les psiotiques, comme les mutants chez Marvel, ont des pouvoirs dès la naissance qui peuvent être activés. Longtemps secrets, ces êtres puissants ont été révélés au monde à la fin d’Harbinger. Psiotique, Livewire contrôle les machines et a décidé de protéger un groupe de jeunes mutants méprisés, les Secret Weapons qui sont menacés par différents organes du gouvernement ou du complexe militaro-industriel.

On en dit quoi sur Comics have the Power ?

Harbinger War : Blackout marque l’apogée d’un grand complot contre les psiotiques mais on peut très bien suivre sans avoir lu les récits précédents. Tel un tweet de Trump, le président américain a comparé les psiotiques à des bombes humaines. En lisant ce récit, on ne peut s’empêcher de penser aux X-Men mais dans une version plus dure par les dialogues et l’action. Faith propose de créer une école pour jeunes surdoués. Un enfant lui répond que c’est une idée de comics. L’État profite de la convocation de Livewire pour attaquer les jeunes psiotiques de Secret Weapons. En réaction, Livewire se défend et déclare ainsi la guerre par un message sur tous les médias puis un black-out électronique mondial et la chute des satellites. Ninjak rappellera plus tard les conséquences dramatiques de cette action (des épidémies de choléra, une famine et une pénurie d’eau). Le scénariste vise le réalisme en montrant les conséquences des actes ce qui est bien vu par rapport à Attraction fatales .

Cette histoire est centrée sur Livewire. Elle avait un rôle important dans Unity mais je l’ai surtout adoré dans Secret Weapons en grande sœur protectrice. Elle prend ici une dimension totalement différente. Livewire veut toujours sauver les opprimés : « la tyrannie n’a besoin que d’une chose. L’inaction des hommes de bonne conscience. » Raúl Allén et Patricia Martín reprennent la première page d’Harbinger pour montrer son problème. Comme Peter Stanchek, Livewire est noyé dans un raz-de-marée mais ici par des informations numériques sinistres – mails, sms, appels –sur le suicide, les tromperies, l’exclusion… Elle ne se drogue pas pour s’assommer mais va dans un café où le portable est interdit. Cette héroïne me fait penser à Magnéto. Les deux ont un pouvoir de contrôle – elle sur les machines et lui le métal. Ce sont deux radicaux qui deviennent mauvais pour leur peuple. Ils savent qu’ils vont trop loin mais l’assument. Au cours du récit, Livewire ayant montré sa détermination et de sa puissance, devient l’ennemi numéro un. En parallèle, Peter Stanchek parcourt le monde pour activer les psiotiques avant qu’ils ne soient arrêtés par les autorités nationales. Ces activations nous font découvrir un nouveau psiotique, Tito qui fait apparaître des cornes sur sa tête puis d’immenses tentacules incontrôlables quand il a peur. J’ai aussi beaucoup aimé le personnage de Ninjak à la fois trouble et idéaliste. Je vais être ravi d’en découvrir plus par le volume sorti en avril.

Dès le prologue, la question centrale est celle du rapport avec des minorités – faut-il les accepter (Livewire et ses alliés), les intégrer pour en profiter (le G.A.T.E.) ou les exterminer (le projet OMEN) ? Les enfants sont l’enjeu du récit. Les jeunes psiotiques sont réfugiés dans une maison dans la forêt avec Faith. La géomancienne est celle qui fournit l’énergie au vaisseau du G.A.T.E. La perception de ces enfants change selon les camps – sont-ils la nouvelle génération prometteuse ou un futur à risque ? Le major Palmer est le symbole de l’honnête fonctionnaire. Il ne voit pas les psiotiques comme une nouvelle étape de l’évolution mais comme une ressource rare à préserver et utiliser. Mais Kindt n’est jamais binaire car la question n’est pas juste d’aider l’autre mais de savoir s’il faut défendre une personne ou le collectif. Bloodshot a rejoint Livewire ce qui est logique car depuis Bloodshot Salvation, il défend les enfants. Au contraire, Ninjak et Aric défendent l’Etat. Lors d’un combat, Stanchek plonge dans la pensée de Palmer et d’Aric pour les mettre hors-jeu. Kindt permet au lecteur de comprendre que chaque choix est une motivation personnelle et pas juste théorique. Avant d’être un récit d’action, Harbinger Wars : Blackout est donc un conflit d’idéaux. Seul Ninjak est pragmatique tout en gardant des limites morales alors que les autres héros sont idéalistes et sont prêts à tous pour leur cause : Palmer pour l’État, Livewire pour les psiotiques, Bloodshot pour les enfants.

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Chaque groupe cherche à recruter des alliés puissants. Ce recrutement est aussi une visite guidée de l’univers comme dans The Valiant. Ces moments intriguent les néophytes et plaît aux passionnés qui retrouvent des héros suivis ailleurs. Lors de ces rencontres, chacun cherche à convaincre. Divinity refuse d’agir pour laisser l’humanité apprendre. Le major Charlie Palmer, agent du H.A.R.D. Corps, veut convaincre Aric en utilisant la raison et la pression sur son peuple mais le barbare mène un double jeu car il rencontre Livewire, ancienne coéquipière d’Unity. Cependant, au lieu de négocier, elle se radicalise et menace Aric de lui prendre son armure. On passe beaucoup de temps à voir les personnages changer de camp. Rien n’est jamais fixé car les alliances ou les motivations sont fluides selon le contexte. On bascule parfois de l’argumentation à la manipulation. On ne cessera de se demander dans ce récit si Livewire contrôle Bloodshot composé de nanites électroniques. Elle en fait un démon à cornes avec des ailes rouges de chauve-souris. Cette manipulation pose la question du contrôle de soi même ou des autres – qui va contrôler des psiotiques ? Qui peut contrôler l’armure d’Aric ou le corps de Bloodshot ? Il est assez justement perçu par la géomancienne comme une homme sans personnalité qui se laisse convaincre par les autres et lui-même se décrit comme une simple arme au service d’une cause.

Kindt ne met pas pour autant de côté l’action avec un combat sanglant et superbe entre XO-Manowar et Bloodshot. Le récit n’est pas séparé de l’action car pendant le combat entre Livewire et X-O Manowwar des vignettes de l’enfance de chacun apparaissent. Livewire lui a implanté ses souvenirs pour mettre en avant ses arguments en montrant qu’ils ont subi les mêmes souffrances. La conclusion du récit m’a dérouté et m’a fait réfléchir sur mes habitudes de lectures de super-héros. J’ai eu le tort d’être déçu. Le récit est concentré chronologiquement et géographiquement mais Kindt lance de nombreuses pistes comme sur le jeune psiotique Tito. J’ai simplement regretté que le récit soit trop court. Les bonus sont à nouveaux nombreux et montre le beau travail d’édition de Bliss. Au début du livre, une présentation des personnages permet au néophyte de s’y retrouver. On trouve l’ensemble des couvertures alternatives dont les pages superbes de Mico Suayan, Juan José Ryp, Khari Evans et Andrew Dalhouse. Encore mieux, l’éditeur ajoute dix pages de croquis de Giorello et un épisode sur Lucia Allonzo de Secret Weapons par Raúl Allén et Patricia Martín.

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Du point de vue des dessins, malgré des styles différents, je suis fan de l’ensemble des artistes. Dans le prologue, même si les couleurs peuvent paraître lisses, Raúl Allén et Patricia Martín ont des trouvailles visuelles qui font pénétrer le lecteur dans l’action comme la belle manière de montrer le pouvoir de Livewire – des fenêtres informatiques surgissent devant les paroles et l’action telles des images apparaissant sur ses yeux. Le crossover est réalisé par deux dessinateurs qui correspondent à deux lieux géographiques. Le partage du dessin dans chaque épisode est conçu dès le scénario et la lecture est donc fluide surtout qu’ils ont un style proche. J’ai eu l’impression que le scénario est visuel car Kindt est aussi un dessinateur. Tomás Giorello a une texture très particulière. Il n’y a pas d’encrage au feutre mais un simple trait. Avec les couleurs pastel, cela donne un joli effet de crayon. Il donne une vision adulte et froide de Peter Stanchek. La double page du crash du vaisseau ou la reconstitution de Bloodshot comme une nuée de papillon qui s’agglomère sont superbes. Je l’ai simplement trouvé moins doué pour les groupes militaires. Par rapport à ses travaux précédents, Renato Guedes est plus réaliste dans ce récit par la colorisation et dans les expressions des visages mais les corps sont un peu trop déformés. Il continue à ajouter un effet graphique comme si les pages étaient trempées. Cet effet de matière crée comme un écran devant l’image qui est intéressant mais me semble peu adapté pour ce récit d’action contemporain. J’ai aussi trouvé que ces deux artistes avaient eu des difficultés à dessiner le corps tout en rondeurs de Faith. Cette héroïne en dehors des canons esthétiques pose une vraie question sur des habitudes de représentation des héros.

Alors, convaincus ?

Ce récit assez court m’a beaucoup plu. Il est bien meilleur qu’Harbinger Renegade. Comme toutes les sorties de Bliss, Harbinger Wars : Blackout est une bonne porte d’entrée car on retrouve la plupart des personnages de Valiant. Ce récit sur l’argumentation, la manipulation et le contrôle m’ont parlé. En refermant, le livre je n’ai eu qu’une pensée : vivement la série solo avec Raúl Allén et Patricia Martín, un duo de dessinateurs dont j’adore les trouvailles visuelles.

Thomas S.

3 commentaires Ajoutez le vôtre

  1. Blondin dit :

    Entièrement d’accord sur le duo de Secret weapons, discret, qui ne paye pas de mine, mais produit des pages de toute beauté, efficaces et très originales. Les comics Valiant sont souvent juste sympa. Sur Blackout j’ai vraiment pris mon plaisir!

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    1. thomassavidan dit :

      Blackout est la sortie récente de Bliss que j’ai préférée. Cela va très vite mais sans jamais être idiot. Un bonheur de lecture.

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