[review] Thor – Les dernières heures de Midgard

Sonia avait déjà adoré la nouvelle déesse du tonnerre et, profitant de la réédition des débuts d’Aaron sur Thor, j’ai voulu comprendre comment ce scénariste a profondément marqué le mythe du dieu nordique.

Un résumé pour la route

Thor-Midgard_1Jason Aaron (Doctor Strange, Unworthy Thor, Southern Bastards) est le scénariste de l’ensemble du livre alors que les dessinateurs plus nombreux sont Esad Ribic (Avengers, Silver Surfer) et Ron Garney (JLA, Spider-man) puis, pour quelques pages, Das Pastoras, Agustin Alessio, Simon Bisley (ABC Warriors, Slàine), R.M. Guéra (Batman Eternal), Nic Klein (Captain America, Deadpool), Emanuela Lupacchino (Archer & Armstrong, Bloodshot).

Cet album de la série Thor : God of Thunder rassemble les épisodes 12 à 25 d’octobre 2013 à novembre 2014 qui ont été publiés par Marvel puis en France par Panini.

Asgard est désormais une île qui flotte au-dessus d’une petite ville des États-Unis. On a suivi en parallèle la jeunesse de Thor avant qu’il ne soit digne de soulever Mjolnir son marteau et le futur où un Thor vieillissant règne tout en éduquant ses fougueuses trois petites-filles.

On en dit quoi sur Comics have the Power ?

Ce volume reprend la structure du tome précédent avec trois lignes temporelles différentes de Thor – le passé viking, le présent et le futur sombre sur une terre ravagée. Tout l’épisode 18 se passe chez des Amazones vikings des îles Féroé. Un Thor fêtard se réveille dans le ventre d’un monstre. Aaron se permet des allusions au passé mythique – où Thor est roux – et à la série – le restaurant dans Broxton, la ville qui abrite Asgardia, s’appelle le Simonson. Asgard a bien changé. Ce n’est plus une monarchie absolue mais une monarchie parlementaire avec le Congrès des mondes. Même si une grande partie des aventures se déroule en Asgard, le scénariste ne néglige pas pour autant la Terre. Le premier épisode commence d’ailleurs dans le bar préféré de Thor à New-York où on lui garde son hydromel.

Je dois avouer que les histoires de magie me font facilement voyager avec Doctor Strange et Doctor Mirage. Des elfes noirs libèrent Malekith du royaume d’Hela et cela marque le début d’une guerre civile dans différents royaumes. Pour le rattraper, Thor sera secondé par la Ligue des royaumes avec des membres de chacun des neuf mondes – un elfe blanc, un nain, un géant des montagnes, un troll et une elfe noire. Cette expédition est l’occasion pour Aaron d’écrire un récit d’aventure dans une ambiance de western même si visuellement cela n’a rien à voir. On retrouve en effet des conflits entre les membres de cette ligue des royaumes en fonction du caractère des races. Thor veut faire fonctionner ce microcosme pour sauver le macrocosme et utilise l’alcool pour souder le groupe. Dans l’épisode suivant, après les défaites successives, des soupçons de traîtrise apparaissent.

Au contraire, les Elfes sont des fanatiques soumis à leur chef impitoyable. Malekith est un fondamentaliste souhaitant que son peuple retrouve sa force par la violence. On découvre les rites des elfes noirs – les débats commencent par un duel au couteau. Ce peuple refuse le pouvoir central démocratique au profit de chefs de tribus – étant donné la date de la série on peut penser à l’Afghanistan. L’épisode 25 dévoile l’enfance de Malekith dans un monde en guerre perpétuelle. Apprenti magicien, il tue son maître quand il ne peut plus rien lui apprendre. Il devient un fauteur de guerre par égoïsme et ambition contre un magicien faiseur de paix qui prône la négociation. L’identité de Malekith vient de la guerre et il ne peut accepter la fin de la guerre. La fin de la première lutte avec Malekith est originale et pessimiste. Il est choisi comme le roi des Elfes noirs car il a montré sa valeur guerrière. En préparation d’une guerre des royaumes, Malekith part à la recherche d’alliance – comme lors des deux guerres mondiales. Cependant, la ligue a fait cesser un massacre.

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L’histoire met aussi en avant l’héroïsme quotidien du dieu : il va chercher un fruit dans l’espace pour le dernier repas d’un condamné à mort – Aaron en profite pour faire une dénonciation de la peine de mort par le refus de pardonner – mais il peut aussi manifester sa désapprobation – en apportant le tonnerre à une manifestation de fondamentalistes. Plus loin, il offre son palais à des habitants sans logement. Mais heureusement, Thor n’est pas parfait. Il va voir son ex, Jane, et découvre son cancer. Il voudrait tout faire pour elle en usant de magie mais elle craint le prix en retour. Plus loin, elle devient l’émissaire de Midgard au conseil des mondes. Ayant lu avant le run sur la Thor féminine, on sent rétrospectivement qu’Aaron a un plan à long terme. Thor drague aussi une nouvelle environnementaliste du S.H.I.E.L.D. Le running gag où tout le monde croit qu’elle est la nouvelle petite-amie de Thor est assez drôle. L’humour est dans l’ensemble bien dosé – Jane parlant à Thor : « Fais ça et je sors avec Hercule ». Arrogant jeune, les hommes ont rendu Thor humble. Lors d’une crise, le lecteur retrouve le dieu qui agit sans réfléchir. Il exécuterait un membre de la Ligue et la dissout car elle n’est pas efficace. L’épisode 18 est un récit fort sur la charge paternelle. Un dragon ne veut pas manger des hommes mais c’est la tradition et il devra se conformer au modèle paternel alors que Thor n’arrive jamais à être au niveau de son père.

Aaron intègre aussi une dimension écologique. Thor voit Midgard comme « un monde aux énergies fossiles et à la nourriture grasse et peu naturelle ». Sous la glace, Yashida industry croisée dans la revue X-Men chasse les baleines avec des sous-marins. Roxxon a-t-elle détruit la terre ? Dario Agger – P.D.G. et « Docteur Fatalis des capitalistes pourris » pour l’environnementaliste – pollue sans vergogne la Terre tout en allant chercher de la glace sur Jupiter. Il a un plan pour détruire l’écosystème – organiser des fuites chimiques, installer des plantes invasives et enfin des animaux génétiquement modifiés. Des ours doivent vider les rivières des océans pour vendre le saumon d’élevage. Thor va user de son pouvoir pour détruire les usines les plus polluantes. Agger qui est un minotaure, se venge par l’argent – il installe des usines volantes pour polluer Broxton puis la racheter – le Simonson devient un fast-food de la chaîne Roxxie burger. Il poursuit Thor en justice pour les destructions des usines. Cette guerre subtile dépasse le dieu brutal. Thor affronte le minotaure en parallèle avec celui entre le vieux dieu du tonnerre et Galactus qui vient manger une terre ravagée. Ses trois petites-filles veulent convaincre le vieux Thor de laisser tomber mais il est prêt à mourir pour ses souvenirs. Dans l’épisode suivant, le sang des blessures du Dévoreur régénère la Terre. Mais, dans le présent, l’argent semble pour l’instant dominer car le P.D.G. réussit à manipuler les médias et les politiques pour transformer son attaque contre Thor en une attaque de Trolls à cause d’Asgardia. Dagger est un capitalisme à la faim insatiable. Après la terre l’espace il veut s’attaquer au Neuf mondes. La cité des dieux doit partir à cause des actions de Roxxon et des menaces dans les Neuf mondes. Cette fuite de dieu face au capital est très émouvante.

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Pour le dessin, ce volume est assez inégal. Je n’ai pas été emballé par Ron Garney. Les aventures de la Ligues se veulent épiques mais hélas le dessin est de plus en plus inachevé. Dans l’épisode 18, Das Pastoras a un style très original chez Marvel avec un visage et des couleurs qui m’ont fait penser à Manara. Ribic revient pour les épisodes 19 à 23. Ce dessinateur est vraiment doué pour les visages avec la peau. Son dessin est parfaitement adapté au combat épique contre Galactus. Des pages sont superbes comme Galactus mangeant la Terre dans un camaïeu de marron avec des traits blancs comme des lignes d’électricité ou, plus loin, la double page sur la base de Roxxon avec des ours dans un noir et vert magnifique. Dans l’épisode 24, les dessins très réalistes d’Agustin Alessio sont superbes, surtout les visages. Tout cela m’a fait penser aux bd de science-fiction des années 1970 et à Renato Guedes dans X-O Manowar. Le dernier épisode est une apothéose graphique car cette compilation d’aventures heroic fantasy est réalisée à chaque fois par un artiste différent – Esad Ribic, R.M. Guera, Simon Bisley – qui m’a permis de découvrir des styles graphiques différents et tous intéressants. Panini propose une édition Deluxe comme son nom l’indique avec un volume solide et l’ensemble des couvertures variantes en fin de volume.

Alors, convaincus ?

Comme vous avez pu le lire, j’ai beaucoup aimé ce volume. Même si j’ai été moins fan du dessin de Ron Garney, j’adore la manière dont Aaron raconte les aventures de Thor – c’est épique mais aussi très engagé. Aaron sait écrire un récit mythologique car ce n’est jamais ridicule. Ce volume est le récit d’un héros au cœur pur qui en fin d’arc ne sera plus digne.

Thomas S.

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