Alors que la sortie de la suite du film Avengers va rendre ce personnage encore plus célèbre, Panini en profite pour nous permettre d’avoir accès à une aventure du titan fou, Le Gouffre de l’infini.
Un résumé pour la route
Le gouffre de l’infini est scénarisé et dessiné par Jim Starlin alors qu’Al Milgrom est à l’encrage. Cette série limitée est composée des six épisodes de Thanos : Infinity Abyss publiés aux États-Unis par Marvel en 2002 et en France par Panini comics.
Thanos, puissant titan a menacé à de nombreuses reprises le monde par nihilisme ou par amour pour la Mort. Dans les premières pages, il tombe dans un piège et disparaît dans un trou noir alors que sur terre un directeur de supermarché est transpercé de tentacules et disparaît dans un cube de néant. Docteur Strange et Spider-Man tentent de comprendre d’où viennent ces manifestations étranges. Une limace verte intervient mais on comprend plus tard son rôle majeur.
On en dit quoi sur Comics have the Power ?
Le gouffre de l’Infini marque mes retrouvailles avec ce scénariste que j’avais adoré sur le Silver Surfer puis Warlock mais que je n’ai pas lu depuis. Cette mini-série est aussi le retour après dix ans d’absence d’un scénariste majeur du monde cosmique de Marvel. On retrouve aussi des éléments philosophiques. Le volume se demande ce qu’est la réalité. Infini et Éternité ont fusionné en un être mi-homme mi-femme. Dans une approche aristotélicienne, Warlock rencontre un concept vivant. Différents héros agissent dans différents lieux mais se réunissent très tard. Starlin réintroduit tous les personnages des sagas de l’Infini qui ont été malmenés pendant son absence – Warlock, Pip, Dragon-Lune… et même un Captain Marvel par son fils. Comme si le créateur se réappropriait progressivement ses créations, les premières pages s’organisent en différents chapitres autour d’un personnage – Thanos, Gamorra… Cette dernière, par son ancien style vestimentaire, n’est pas la spécialiste des gros guns comme dans les Gardiens de la Galaxie. Le fils de Captain Marvel a fusionné avec Rick Jones comme dans l’intégrale récemment publiée. Ses sens cosmiques lui indiquent ce qui se passe mais il ne comprend pas tout. Dragon-Lune est manipulée par Le Sujet X. Plus globalement, de nombreux personnages sont manipulés ou pensent manipuler les autres – Dragon-Lune, Thanos, Warlock…
Le récit avance en flash-back par la voix off d’un Warlock désespéré. Depuis le Gant de l’Infini, Warlock a la pierre de l’esprit qui lui permet d’absorber l’esprit de ses ennemis. Cela le rend plus fort mais fragilise son esprit. Warlock est encore plus perturbé qu’avant. On retrouve les paroles obscures et la poésie hippie du Warlock des années 1970 – « Pourquoi ne répondent-ils pas l’appel des sirènes du néant ? » Warlock a été enfermé par la guilde des psychothérapeutes – dont le chef ne pense qu’à sa carrière et voit ses rêves de célébrité s’effondrer avec la disparition de son cas prometteur. Il est sauvé par Pip le Troll. J’aime bien ce duo contrasté – Warlock porté sur les questionnements métaphysiques adore Pip hédoniste et terre-à-terre. L’homme doré se voit comme le régulateur de la réalité, de ranger les débris cosmiques. Il est donc toujours dans le contrôle alors que Thanos respire l’anarchie. Il refusait d’utiliser les pleins pouvoirs de la pierre de l’esprit mais il y est contraint. Son esprit fragile est dépassé par la puissance de la pierre. La connaissance donnée à Warlock l’a rendu fou car l’homme n’est pas fait pour tout ce savoir.
Starlin reprend le vaisseau en H de Thanos mais il est devenu explorateur misanthrope secondé par des robots. J’aime ce personnage dont les motivations sont originales – sa passion pour la mort, son nihilisme radical qui le pousse à voir la Création comme un virus à éradiquer. Même si on retrouve la secte nihiliste du zéro, créée par le Titan, il est ici plus apaisé. Cependant, les héros se rencontrent dans différents lieux de la galaxie. Par une discussion père-fille, Thanos explique le problème : il a créé des clones fusionnés à des héros – Gladiator, Docteur Strange, Xavier, Iron Man… – mais ils ont un défaut moral : ils choisissent toujours la solution la plus violente. Thanos a changé et ne recherche plus l’amour de la mort mais reste un manipulateur avec les différents héros pour faire tuer ses clones. Comme dans Eternity de Valiant, le sauveur est un enfant. Elle devient un messie pour sauver la réalité et une autre famille liée aux circonstances se crée.
L’humour m’a surpris car je ne me souvenais pas de cet élément dans les sagas cosmiques de Starlin. J’ai souvent souri – les employés ne signalent pas à la police l’incident de leur patron cause de leurs casiers. La vulgarité blasée de Pip m’a fait penser à un Spider Jerusalem de Transmetropolitan en plus soft. Le cocon de Warlock est enfermé dans la remise par manque de place. Même Thanos est drôle – « avec le recul je dois admettre que je suis parti sur un concept totalement erroné » à propos de la création de ses drones.
Un danger global est censé menacer l’univers mais la montée en puissance est faiblarde. La lutte contre les clones arrive très tard, les héros ou leurs Némésis ont une faible envergure pour un enjeu planétaire. Dans les deux derniers épisodes, Starlin révèle progressivement les secrets manquants du récit. Cependant, le combat final bien réussi rattrape le volume et, de manière subtile, Thanos reste une menace.
Les dessins de Starlin sont très différents de ses débuts dans les années 1970 si bien que dans les premières pages, j’ai cru que c’était Ron Lim. Hélas, les couleurs sont assez laides et m’ont fait penser à la colorisation de Ballistic. Marvel Graphic Novel est une belle collection de Panini que je ne connaissais pas encore. Le volume commence par une bonne introduction qui me semble nécessaire. J’ai aussi bien aimé les biographies en fin de volume avec photos et l’ensemble des couvertures.
Alors, convaincus ?
Ces retrouvailles sont un retour aux sources prudent. Warlock est pour moi le personnage le plus intéressant de ce volume et la conclusion permet de comprendre l’ensemble du récit. Starlin retrouve ses personnages et ne connaissant pas la suite, je me demande ce que c’est devenu.
Thomas S.