[review] Iron Man : le diable en bouteille

Il est des récits qui changent la perception que l’on peut avoir d’un personnage. C’est incontestablement le cas du titre le Diable en bouteille qui dévoile un des points faibles de Tony Stark rendant le héros un peu plus humain. Même un super-héros a ses limites et ses faiblesses, c’est ce qui en fait souvent l’intérêt.

Un résumé pour la route

Iron_Man_Diable_1Le récit est paru aux Etats-Unis en 1979 et le titre est scénarisé par les deux pointures que sont David Michelinie et Bob Layton. Layton assure également l’encrage des dessins de John Romita Jr.

Le titre a été édité dans un recueil Best of Marvel par Panini comics en 2008. Ce recueil comprend Iron Man #120 à 128.

Tony Stark est extrêmement préoccupé par la volonté du S.H.I.E.L.D de contrôler sa société. Alors qu’il se trouve en avion, son voyage est interrompu et il se trouve confronté à un Namor plus furax que jamais et une mystérieuse société prétendant agir pour le compte des forces spéciales américaines. Devant la multiplication des difficultés, Tony Stark perd pied peu à peu sous les yeux désemparés de ses proches.

On en dit quoi sur Comics have the Power ?

Si le recueil a pris le nom du récit le plus emblématique – le diable en bouteille – c’est bien à la lente descente aux enfers de Tony Stark que le lecteur assiste. Dans un premier temps, il connaît les ennuis de tout grand capitaliste : la menace d’un rachat de sa société. Le S.H.I.E.L.D se verrait bien, en effet, à la tête de l’entreprise Stark, ce qui lui permettrait de contrôler la production d’armement et d’avoir accès à une technologie de pointe. A cela s’ajoute ce que Tony considère comme une trahison de la part de celui qu’il considérait comme un ami, Nick Fury.

C’est sur les ruminations de Stark que s’ouvre le titre. Dès les premières cases, Michelinie et Layton glissent une référence à la future addiction de Stark qui se fait reprendre par une hôtesse car il lorgne un peu trop sur le martini.

Notre héros est très vite tiré de ses méditations par une attaque : l’avion de Stark manque de s’abîmer en mer. S’ensuit une bagarre avec un Prince des Mers déchaîné et la première apparition d’un personnage qui deviendra un ennemi juré d’Iron Man et de son alter ego : Justin Hammer. Les auteurs profitent du combat opposant Iron Man et Namor pour glisser un discours écologique et un aspect dramatique avec l’histoire d’Hiram Dobbs, sorte de Robinson Crusoé des temps modernes. On peut certes trouver la narration un peu datée et les quelques gags parsemés ici et là un peu vieillots, j’ai pris un réel plaisir à relire cette histoire plus touchante qu’il n’y paraît. C’est ce qui m’a toujours plu dans les comics : une petite pincée d’humour, une bonne dose d’action et un discours sur la société plutôt sensé bien qu’exprimé parfois avec naïveté. L’histoire d’Hiram Dobbs ne peut laisser indifférent et c’est avec un petit pincement au cœur qu’on passe à la suite.

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Les problèmes s’accumulent pour Stark car son armure connaît quelques faiblesses : il manque de se noyer, ne contrôle plus sa trajectoire et finit par tuer un homme car un de ses rayons se déclenche accidentellement. C’est donc à la culpabilité que Stark doit faire face : celle d’avoir involontairement privé un innocent de la vie, ce qui provoque une peur et une haine envers Iron Man. Michelinie et Layton jouent ici avec la thématique bien connue du héros mal aimé et rejeté, si courante dans la mythologie super-héroïque. Hammer envoie ses sbires affaiblir Iron Man et on ne peut que s’amuser du look de certains d’entre eux comme le Porc-Epic qui est plus ridicule qu’effrayant. Si, comme à l’accoutumée, Iron Man parvient à triompher de ses adversaires, il lui est plus délicat de triompher de lui-même.

C’est toute la problématique du Diable en bouteille : explorer le côté obscur de Stark, un milliardaire à qui tout sourit en apparence mais qui doit trouver une béquille lorsque tout vacille autour de lui. Tony passe alors de l’alcoolisme mondain à une course à l’autodestruction que sa petite amie Bethany Cab et son pote James Rhodes ont bien du mal à enrayer. Les scénaristes prennent un risque en montrant l’avilissement de leur héros, le transformant en alcoolique dépendant et incapable de raisonner sereinement. Quelques années plus tôt, Dennis O’Neil et Neal Adams avaient exploré les ravages de la drogue dans leur Green Lantern et Green Arrow, montrer les affres de l’addiction n’est donc pas chose nouvelle. Pourtant, ici, c’est d’Iron Man et Tony Stark qu’il s’agit, un homme qui a pu se sortir de la Guerre du Vietnam, qui peut vivre sous la menace permanente d’une crise cardiaque, un homme beau, riche et puissant. Michelinie et Layton le font sombrer pour bien démontrer qu’aucun super-héros n’est à l’abri du doute, de la dépression et de leurs conséquences, comment se délivrer d’un poids trop lourd sinon en se réfugiant dans des paradis artificiels ? On peut toujours chipoter en trouvant que Tony triomphe bien rapidement de son alcoolisme mais ce récit pose les bases de rechutes à venir et montre un homme qui fend l’armure -ok, elle était facile – et laisse voir un humain derrière le héros.

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Graphiquement, on voit bien que John Romita Jr n’a pas encore trouvé son style si caractéristique et si clivant. Le dessin doit sans doute beaucoup à l’encrage de Bob Layton dont on reconnaît la patte inévitablement. L’alliance entre ces deux talents donne à voir des personnages à la fois puissants et élégants. Romita Jr et Layton savent donner du mouvement à leurs pages, les protagonistes jaillissant littéralement de leur case. L’armure d’Iron Man acquiert un véritable relief tandis que les visages des personnages sont d’une grande expressivité.

Alors, convaincus ?

On peut toujours se moquer ou dénigrer un récit en disant qu’il est daté, que quelques dialogues sont enfantins en faisant semblant d’oublier que ce type de lecture s’adressait avant tout à un public relativement jeune. On ne peut nier le tournant que représente le Diable en bouteille dans la mythologie d’Iron Man et de Tony Stark. Les auteurs font le choix de montrer un humain « trop humain » selon l’expression de Niezsche et d’appuyer sur ses faiblesses. Michelinie et Layton offrent un récit empathique qui détruisent Stark pour mieux le voir renaître. Le combat avec Namor et le discours écologique qui l’accompagnent ne sont pas dénués d’intérêt tout comme l’apparition de Justin Hammer dont la haine n’aura de cesse de poursuivre Tony Stark. Les amis de Stark, Bethany et Rhodes sont bien présents, formant un environnement rassurant aux côtés du héros affaibli.

Touchant, volontairement dramatique, ce titre fait partie des histoires d’Iron Man que je classe parmi mes favorites aussi bien sur le fond que pour la partie graphique, une des plus belles périodes pour l’homme de fer à mes yeux.

Je vous conseille enfin de vous procurer le Comics Mag hors série qui sortira pour le TGS dans lequel vous trouverez un bel article de Chris de Comixrays sur le sujet.

Sonia D.

6 commentaires Ajoutez le vôtre

  1. wildstorm dit :

    J’ai lu ces épisodes dans Strange, c’était en effet ma période favorite d’Iron Man à tous les niveaux (j’ai aussi cette très belle édition qui reste un best-of appréciable mais bien trop succinct pour moi par rapport au long et très bon run de Michelinie). A noter que la récente prise en main de Bendis sur notre homme de fer n’est pas dénuée d’intérêt par rapport à quelques références très appréciables à ce run)…

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    1. Sonia Smith dit :

      Effectivement, il est préférable de lire le run de Michelinie en entier pour replacer ces épisodes dans un temps long d’évolution du personnage. Cette collection avait le mérite d’offrir aux lecteurs un petit aperçu de son travail même si c’est un peu court ! Je n’ai pas lu ce que Bendis a fait avec Iron Man, je tenterai du coup 🙂

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  2. De mémoire, sans doute les premiers épisodes d’Iron Man que j’ai lu dans les Strange.

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