[review] Jean Frisano, une vie d’artiste

Jean Frisano, pour moi, c’est une histoire particulière, celle de ma rencontre avec les comics par le biais de mon mythique Spécial Strange n°19, mon tout premier, mon préféré. Sur la couverture une Jean Grey aux cheveux de feu mettant à mal un Magnéto à genoux.

A l’époque, j’avais six ans – et je vous interdis de calculer mon âge à partir de cet indice – et le nom des artistes m’importait évidemment moins qu’aujourd’hui. Pourtant, chaque couverture était une promesse annonçant par avance et illustrant magnifiquement les combats épiques qui se jouaient à l’intérieur des pages.

Plus tard, j’ai appris à qui je devais ce premier choc visuel, j’ai su le nom de celui par qui les comics étaient entrés dans mon existence. Il s’appelait Jean Frisano. Quand Neofelis Editions a publié un ouvrage sur cet homme discret, je n’ai donc pas hésité à en faire l’acquisition.

Frisano_2Jean Frisano, une vie d’artiste est un ouvrage de Philippe Fadde, Thomas et Sylvia Frisano publié par Neofelis éditions en 2016.

Après une préface de Thomas Frisano, l’ouvrage propose une chronologie reprenant les grandes phases de la vie de Jean Frisano. Il s’en suit une très belle conversation entre Philippe Fadde et Thomas Frisano, fils de Jean. Les questions posées concernent bien évidemment le métier de l’artiste et ses relations avec les éditions Lug mais aussi son environnement familial, ses racines italiennes ou ses goûts musicaux, littéraires ou cinématographiques, son intérêt pour le sport qui éclairent ses influences. J’aime vraiment la manière dont est restituée cette conversation qui peu à peu dresse le portrait d’un homme travailleur, passionné, secret et fragile. Il faut à la fois féliciter Philippe Fadde qui a su poser des questions variées et remercier Thomas Frisano qui livre avec pudeur mais précision les détails qui nous permettent de mieux comprendre le fabuleux artiste qu’était son père.

Frisano_3Le texte de Sylvia Frisano est plus court mais tout aussi fort et c’est une vraie chance d’avoir pu disposer des témoignages des deux enfants de Jean qui ont, chacun une vision à la fois commune et personnelle de leur père et de son art. Après le témoignage de Joop qui exhume ses archives, l’ouvrage permet au lecteur de poursuivre son voyage à travers différentes étapes de la vie de Jean Frisano ou à travers de thématiques comme le cinéma, la littérature ou la bande dessinée montrant combien Frisano était influencé par des artistes comme Harold Foster, Milton Caniff ou Frank Frazetta.

Le livre fait aussi référence aux autres membres de la famille Frisano, une dynastie d’artistes, qu’il s’agisse de Pierre, le frère de Jean, de Thomas son fils qui travailla avec lui ou encore de Manu Frisano, le fils de Pierre. Plus qu’un homme, c’est une famille dont on découvre les multiples talents.

Enfin et ce n’est pas la moindre des qualités de l’ouvrage, ce livre est magnifiquement illustré par les dessins et les peintures de Jean Frisano. Le lecteur retrouvera certaines des couvertures les plus mythiques des parutions Lug avec des pleines pages de toute beauté laissant évoluer Spider-Man, Iron-Man, Daredevil, Captain Marvel, les Fantastiques, les X-Men, les Nouveaux Mutants ou les personnages de Conan ou de Star Wars. Chaque page mérite qu’on s’y arrête pendant de longs moments pour profiter pleinement de ces chefs d’oeuvre.

Alors, convaincus ?

strangeEvidemment, Jean Frisano, une vie d’artiste, parlera en premier lieu à celles et ceux qui ont grandi avec les publications Lug qui ont conservé jalousement leurs Strange et autres Titans et qui voudront en savoir plus sur l’homme qui les a fait rêver par ses couvertures dynamiques et expressives. Au delà de l’effet nostalgie qui marchera inévitablement avec ce type de titre, Neofelis a voulu permettre aux lecteurs de pénétrer à pas feutrés dans l’intimité de Jean Frisano voire de sa famille. La démarche est empreinte de délicatesse et de soin, on sent bien l’affection que Neofelis éditions et Philippe Fadde ont pour le sujet.

L’objet est beau et plaira plus largement aux amateurs de comics qui découvriront ou retrouveront leurs héros préférés sortis du pinceau d’un artiste de grande classe dont on apprend à connaître l’environnement et les influences. Bon, la couverture du Spécial Strange n°19 n’est pas dedans, mais c’est vraiment le seul reproche qu’on peut faire à ce livre de grande qualité.

7 commentaires Ajoutez le vôtre

  1. pistoletabulles dit :

    J’ai compté … On a le même âge ^^ lol

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    1. wildstorm dit :

      Finalement, vous êtes des jeunes tous les 2 :p 😉

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  2. Philippe Fadde dit :

    J’ai toujours pensé que l’art est le plus court chemin de l’humain à l’humain. A chaque commentaire que je vois apparaître sur le net ou dans la presse, ce sentiment se renforce. Vous citez une couverture ou un souvenir, un autre ailleurs fait de même, car au fond c’est aussi de notre histoire dont il s’agit. C’est très touchant cette façon que vous avez les uns et les autres de parler ainsi de vos souvenirs au travers du talent de Jean, de Pierre ou de Thomas.

    Je pensais juste faire un travail d’information que j’ai voulu conduire de la façon la plus honnête possible mais je m’aperçois que j’ai aussi ouvert une petite porte dans vos mémoires et dans vos cœurs.

    Vive les artistes…
    Vive l’art !

    Bien cordialement,

    Philippe Fadde

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  3. Sonia Smith dit :

    Merci Philippe pour cet échange, je suis entièrement d’accord sur le fait que l’art (et la culture en général) est le meilleur moyen de rapprocher les gens et de leur permettre d’échanger entre eux sur des sentiments positifs. Ici, avec les travaux de la famille Frisano, c’est la douceur de notre enfance qui se mêle à notre admiration pour leur talent. Il est clair que cette couverture de Spécial Strange n°19 a changé mon existence et ce n’est pas une figure de style que d’écrire cela. Je vous remercie donc infiniment d’avoir réalisé cet ouvrage et d’avoir rendu ce bel hommage à ces artistes,
    Bien cordialement,

    Sonia

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  4. OmacSpyder dit :

    Un bel article pour un livre qui le mérite amplement. Frisano est devenu un nom synonyme de magie et une « frise à nos » années au sens d’une ode délicate et précieuse.
    Je comprends ce que tu décris comme bouleversement après une telle couverture, comment un dessin nous appelle et nous marque à jamais, une empreinte intérieure qui parle de nous avec vérité et que l’on échange avec pudeur.
    Un bel ouvrage d’archives sélectionnées comme de petits trésors expliqués dans un écrin travaillé avec respect et soin. Ça méritait bien un billet, au moins…

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  5. Sonia Smith dit :

    Bravo pour le « frise à nos » ! C’est seulement récemment que j’ai compris quel impact avait bien pu avoir cette couverture et combien il est important, y compris, pour les petites filles d’avoir des modèles comme les personnages féminins des X-Men pour pouvoir se construire avec des modèles courageux, vaillants, qui ont de l’honneur.

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